Une vallée fortement urbanisée et traversée par de nombreuses infrastructures de transports linéaires permettant de relier les principaux pôles urbains Lyon, Grenoble, Chambéry grâce à la présence de la voie ferrée, de l’autoroute A 43, et du réseau de routes nationales.
Des paysages de marais asséchés aujourd’hui cultivés, assurant des coupures d’urbanisation dans la vallée, dont le canal est un motif très représentatif.
Des coteaux boisés occupés par les constructions résidentielles individuelles, formant un écrin pour la vallée, territoire stratégique et convoité pour le développement de l’habitat.
Une architecture hétéroclite, véhiculaire c’est-à-dire le contraire de vernaculaire (qui signifie propre à une région donnée, en adéquation avec le territoire dans lequel elle se trouve ainsi qu’avec ses habitants) formant des paysages urbains composites pas toujours qualitatifs.
Des ensembles patrimoniaux à l’architecture remarquable implantés en pieds de coteaux (centres bourgs) ou sur les hauteurs (châteaux et tours).
Un paysage marqué par de nombreuses zones d’activités, avec notamment le Parc International de Chesnes, 1ère plateforme logistique de France étendue sur plus de 1000 ha.
La vallée de la Bourbre est un ensemble paysager qui n’existe pas dans les atlas de paysages régionaux et départementaux réalisés jusqu’alors. Mais le socle géographique et les transformations des paysages de la vallée sur les 20 dernières années, liées à l’urbanisation, imposent l’identification d’un ensemble paysager bien distinct entre les collines du Rhône Dauphinois et les collines et plateaux des Terres Froides.
La vallée de la Bourbre, trop souvent oubliée, est formée par une rivière structurante du département. Les paysages de la vallée urbanisés et équipés, constituent un axe stratégique majeur pour le département, une dorsale urbaine dynamique entre Lyon et Chambéry. La vallée est dominée par une urbanisation diffuse et des infrastructures de transports mais elle est aussi caractérisée par de vastes espaces de marais, milieux humides et cultivés de grande qualité.
La séquence amont de la vallée, plus rurale et agricole, est intégrée à l’ensemble paysager des Collines du Voironnais. L’ensemble de la vallée de la Bourbre comprend 3 séquences paysagères :
« Les paysages que je traverse au quotidien sont si différents…
Au départ de mon domicile je traverse des champs, des étendues verdoyantes qui dans le passé abritaient des animaux, des vaches notamment qui paissaient. Arrivée dans le Rhône le paysage change et le béton est majoritaire.
Aujourd’hui l’urbanisation et l’arrivée des citadins lyonnais, attirés par un cadre de vie plus sain et des prix plus attractifs, ont bouleversé le paysage de Charvieu et ses alentours.
Pour me rendre à mon lieu de travail j’ai deux options: la voiture ou le tram à Meyzieu. Le tram a un impact sur l’environnement moins important que la voiture et je m’efforce de le prendre dès que possible.
« Mes souvenirs d’enfant comportent énormément de scènes où le vert prédomine. Le mode de vie a changé et nous n’allons plus à la ferme chercher le lait frais. »
La vue des champs a un effet reposant, déstressant, notamment en automne ou en hiver lorsque une brume habille les champs. Le spectacle est magnifique; on peut voir une épaisse couche nuageuse qui flotte presque. Le gel en hiver couvre les arbres et là aussi le spectacle mérite qu’on s’y arrête.
Des animaux sauvages habitent dans les bois mais on ne peut les voir car ils sont effarouchés par l’activité humaine. Il faut être patient et attendre la pénombre, la nuit et les voir sortir, gambader. La nature leur appartient. L’été on peut entendre les oiseaux.
Malgré une urbanisation grandissante, il reste des espaces verts, des sentiers où l’on peut se promener en toute quiétude; à côté de chez moi un ranch et ses chevaux proposent des activités en plein air. Sinon le parcours de santé, fait au milieu d’un bois, nous permet de marcher et courir.
Crémieu et sa cité médiévale, son marché sous les halles attirent les touristes et les promeneurs du dimanche.
Je me souviens, enfant, nous allions avec mes parents à Vernas marcher, pique-niquer.
Mes souvenirs d’enfant comportent énormément de scènes où le vert prédomine. Le mode de vie a changé et nous n’allons plus à la ferme chercher le lait frais.
Aujourd’hui les paysages changent avec beaucoup plus de constructions en dur, malgré cela les maires des différentes communes ont pris conscience de l’importance de la nature, des espaces verts à protéger, créer, pour offrir aux habitants un cadre de vie reposant et limiter le bilan carbone afin que les générations suivantes puissent s’épanouir sereinement. »
« Malgré une urbanisation grandissante, il reste des espaces verts, des sentiers où l’on peut se promener en toute quiétude »
La vallée de la Bourbre est une dépression d‘origine glaciaire, située entre les collines du Dauphiné au nord et les collines des Terres Froides et du Voironnais au sud.
Bien que la vallée se découpe en différentes séquences paysagères, le socle géographique forme une unité et un cadre homogène pour les paysages de l’ensemble : une vallée de 50km de long et dont les coteaux plutôt symétriques s’élèvent entre 300 et 400m de haut selon les secteurs.
Le réseau hydrographique naturel n’est visible que partiellement alors qu’il est à l’origine des paysages de la vallée. Camouflée au fond de vallons encaissés boisés, canalisée voire busée dans les espaces urbains ou cours d’eau démultipliés dans de petits canaux d’irrigation, l’eau n’est pas toujours perceptible dans les paysages et le tracé de la rivière principale n’est pas évident à suivre.
Le réseau hydrographique très artificialisé draine la vallée de la Bourbre et, vers le Nord, le Grand Marais. La Bourbre prend sa source dans les collines du Voironnais et s’écoule jusqu’au Rhône. Là où la vallée s’élargit et forme une plaine ouverte.
Les modes de gestion de l’eau expliquent la différence entre des motifs géométriques (rivière busée et canaux qui permettent de gérer les crues et drainer les terrains pour leur mise en culture), des motifs plus naturels (étangs et rivière qui serpentent).
Les boisements sont présents sur les coteaux et dans les secteurs inondables, à proximité des cours d’eau (rivières, canaux et étangs).
Les boisements de feuillus présents sur les parties hautes des coteaux forment un écrin boisé quasi continu sur les deux versants de la vallée de la Bourbre. Cet écrin est un motif paysager déterminant qui permet de rendre lisible la vallée et donc son unité ou homogénéité paysagère.
Ces boisements sont composés de :
L’eau est peu visible dans les paysages malgré la présence de la Bourbre dans l’ensemble de la vallée et ses nombreux canaux d’assèchement. La présence de boisements dans le fond de la vallée indique le passage de l’eau.
Les boisements présents dans les secteurs de fonds de vallées ou à proximité des étangs sur les coteaux présentent deux caractères différents :
« Dans la vallée de la Bourbre il n’est guère possible de reconnaître qu’une seule présence cohérente, celle de la plaine des marais, avec ses cultures et de ses peupleraies, préservées de tout empiétement grâce à leur inondabilité ».
Dans les secteurs d’expansion en cas de crue, les terres sont cultivées et non urbanisées. Dans la partie aval, le fond de la vallée s’élargit et offre plus de place aux terres cultivables. Cette partie de la vallée forme un paysage de vaste plaine cultivée quadrillé par les nombreux canaux.
Les sols asséchés sont équilibrés et fertiles et constituent le substrat de cultures diverses. Bien que l’ensemble soit majoritairement couvert par les grandes cultures, les prairies sont plus nombreuses dans les parties amont de la vallée, notamment dans la partie la plus à l’est.
La surface agricole de la vallée de la Bourbre est couverte à 67% par des grandes cultures dont 32% par du maïs, 16% par du blé, et à 9% par des oléagineux principalement de type colza ou tournesol.
« Le contraste entre le « désert agricole » de la plaine et l’urbanisation de ses coteaux».
La surface agricole de la vallée de la Bourbre est couverte à 29% par des prairies. La présence des prairies est plus marquée dans la partie amont de la vallée, à l’Est, présentant des potentiels plus limités et non associés à l’irrigation. Pour la partie Ouest de l’ensemble, les prairies sont ponctuelles, davantage sur les bords de la vallée. Le maintien des prairies est favorisé par les 3 IGP associés à l’ensemble, notamment l’IGP emmental, couvrant 100% de l’ensemble.
La présence de cet IGP se traduit également dans les paysages par une forte présence de bovins dans les pâtures pour la production laitière. Ce label pérennise aujourd’hui ces parcelles pâturées et ces paysages ouverts comme justification économique notamment.
Plusieurs friches occupent les lisières des boisements dans la vallée et sur les coteaux au bord des prairies. Ces espaces sont caractérisés par des ensembles arbustifs spontanés et de jeunes boisements, qui participent au développement d’un paysage non entretenu ainsi qu’à la perte de lisibilité des prairies.
Le nombre d’exploitations a diminué d’environ 57 % de 1988 à 2010. La Surface Agricole Utilisée (SAU) a elle aussi baissé de 15 % sur cette même période.
En 1988, la surface agricole était majoritairement couverte par des systèmes de grandes cultures et des systèmes de polyculture et polyélevage. On retrouvait également des élevages de bovins laitiers, mais aussi de bovins viande, des élevages d’ovins et de caprins, un peu d’élevage hors-sol et de maraîchage.
En 2010, la diversité de cultures est moins présente, les surfaces en polyculture et polyélevage ayant fortement diminuées.
Les paysages de la vallée de la Bourbre sont largement dominés par la composante bâti qui couvre la grande majorité du territoire.
La partie aval est composée de deux continuums urbains dont le plus important s’étale sur environ 20 km entre Chesnes et Bourgoin-Jallieu. La deuxième conurbation s’est développée autour de la confluence de la Bourbre et du Rhône : Pont-de-Chéruy / St-Romain-de-Jalionas / Charvieu-Chavagneux. L’étalement se poursuit dans le département voisin au niveau de Colombier. Ces deux conurbations profitent d’un cadre de vie de qualité par sa fonctionnalité : proximité des grands pôles urbains (Lyon, Grenoble et Chambéry) et la proximité de l’ aéroport St-Exupéry.
Dans ces espaces urbains les coupures d’urbanisation ont toutes leur importance. En plus de maintenir les continuités écologiques, les coupures d’urbanisation permettent de rythmer les paysages et d’assurer la lisibilité des structures urbaines.
« Une conurbation de 20 kilomètres le long de l’A43 semble en cours d’installation pour relier Grenay, à la limite ouest du département, au Parc d’activités de Chesnes, à la ville nouvelle de l’Isle d’Abeau et à Bourgoin-Jallieu».
« Prise dans le détail cependant, Bourgoin-Jallieu marque son originalité. Elle présente en fond de vallée l’image d’un urbanisme homogène, qui rappelle l’esprit grenoblois. Mais les zones industrielles et artisanales ne lui sont pas reliées par des motifs de transition suffisants. Par ailleurs, l’urbanisation de villas individuelles et de petits immeubles qui remontent les collines nord vers Montbernier et Champagnieu contribue, avec les enfrichements, à une fermeture rapide des coteaux».
Loin d’être uniforme, l’importante surface construite des paysages de la vallée présente une grande diversité architecturale et paysagère. Les densités, les volumes construits, les architectures et les espaces publics sont nombreux et créent des paysages urbains hétéroclites, autant dans les centres urbains que dans les périphéries.
Les constructions patrimoniales structurent les centres-villes et ponctuent les coteaux avec l’implantation d’un chapelet de châteaux sur les points hauts, montrant que cette vallée a toujours concentré les activités humaines. Dix édifices protégés au titre des monuments historiques se trouvent dans la vallée, dont 3 datent de l’époque gallo-romaine.
Les constructions récentes (apparues depuis les années 1960) concernent la majorité de l’enveloppe bâtie des villes et villages et se déclinent en deux grandes typologies :
« Une pression foncière qui mériterait d’être maîtrisée de façon à éviter les formes banalisantes de l’urbanisation diffuse qui affectent le paysage environnant. Tel est notamment le cas de la vallée de la Bourbre».
Les paysages de la vallée sont fortement marqués par le passage des infrastructures de transports linéaires :
Contraintes par le relief, les infrastructures occupent le fond de la vallée, toutes parallèles mais très peu espacées les unes des autres. Elles sont le support de motifs paysagers bien identifiés, à caractère routier : zones artisanales, industrielles, de logistiques, murs anti-bruit, talus engazonné, grande noue linéaire assurant l’écoulement des eaux, etc.
En plus des infrastructures linéaires, les nœuds d’infrastructures, comme celui de Saint-Quentin-Fallavier, marquent fortement les paysages de la vallée.
D’autre part, les ciels de la vallée sont largement occupés par un réseau de lignes à haute-tension, participant à une lecture confuse des paysages. L’entrée de la vallée de la Bourbre se positionne comme une centralité des lignes électriques, en raison de la proximité des centrales nucléaires de la vallée du Rhône, comme celle du Bugey située non loin au nord. Le parc d’activités joue un rôle de pivot, directement connecté à la centrale du Bugey, puis redistribuant les lignes sur le territoire.
Sur le territoire, 3 axes d’itinéraires doux permettent de parcourir le territoire à pied ou à vélo :
La plaine de la Bourbre, comme son nom l’indique est historiquement une plaine marécageuse recouverte de tourbe et de boue. L’assèchement des terres pour la mise en culture et l’assainissement du territoire explique la présence actuelle d’un paysage cultivé, rythmé et organisé par trois canaux principaux. Dans une autre mesure les paysages du nord de la vallée de la Bourbre, sont façonnés par la présence de deux gros sites de carrières dans lesquels les étendues d’eau et la végétation arborée participent à leur intégration paysagère (mesures compensatoires, ex: les carrières de Tignieu – Gravière).
La lecture des paysages est issue de la conjugaison des thématiques observées dans les chapitres précédents. Mais les paysages sont aussi constitués par le regard que l’on porte sur eux et des images que l’on s’en fait, nourris par un imaginaire social et culturel. On ne pourrait donc pas comprendre leur construction sans tenir compte des fondements culturels qui ont forgé leurs représentations sociales.
Voici quelques faits historiques et culturels locaux qui ont marqué les esprits, ont participé à la représentation sociale des paysages et influencent notre manière de les percevoir.
Depuis plus de deux siècles, la vallée de la Bourbre entretient un lien particulier avec les activités indutrielles liées au textile.
La production de tissu en Nord-Isère est attestée par des vestiges datant de l’époque gallo-romaine, il y a près de deux millénaires. Au moyen-âge, des paysans cultivaient du chanvre pour fabriquer des cordes et des etoffes à partir des fibres de la plante.
Au XIXe siècle, le soulèvement des ouvriers du textile à Lyon, nommé ‘la révolte des canuts’ marque le commencement de l’ère de la grande industrie.
La vallée se spécialise dans des savoir-faire pointus notamment l’annoblissement (finitions décoratives et techniques du tissu) et connait un essor économique majeur et une reconnaissance mondiale auprès des filières du luxe.
Pour conserver cette mémoire et mettre en avant ce patrimonial industriel unique lié au tissage, deux musées sont présents dans la vallée de la Bourbre :
La Villa Gallo-Romaine du Vernai
Située à l’Est de Lyon, dans la commune de Saint-Romain-de-Jalionas, la villa gallo-romaine du site du Vernai possède une partie réservée aux thermes, une grenier à blé et un moulin hydraulique.
Les vestiges les plus anciens du site sont datés des alentours de 40 av. JC puis se sont transformés au début de l’ère chrétienne pour s’étendre sur une superficie de plus de 10 hectares.
La dernière occupation est estimée au XIIIe siècle avec l’édification d’un château du Dauphiné qui sera détruit à la fin de la guerre de 100 ans.
Ce site archéologique fait l’objet aujourd’hui d’un parcours d’interprétation pour connaitre les modes d’habiter d’autrefois ainsi que d’un jardin antique expérimental.
En 1992, la commune de Saint-Quentin-Fallavier a racheté le château afin d’entrependre des travaux de restauration et d’assurer la réouverture au public en toute sécurité.
Château de Fallavier, témoignage de la période médiévale
Le Château de Fallavier, situé dans la commune de Saint-Quentin-Fallavier, fut bâti durant la fin de l’époque médiévale vers le XIIIe siècle. Se dressant au sommet de la colline du Relong, il témoigne d’une histoire patrimoniale et architecturale nous contemplant encore de nos jours. Il servit durant plusieurs siècles de refuges aux attaques ennemies avant d’être abandonné au XVIIe
Expérimentation de la ville nouvelle de l’Isle-d’Abeau (1970)
La ville nouvelle de l’Isle-d’Abeau est une opération d’aménagement urbain étendue sur les communes de Villefontaine, L’Isle-d’Abeau, Saint-Quentin-Fallavier, Vaulx-Milieu et Four. Ce projet a marqué les esprits isérois pour son caractère ambitieux, expérimental et écologique. Il attire encore aujourd’hui les professionnels et les visiteurs de la région.
Le schéma directeur initial, paru en 1975 prévoyait une grande mixité d’activités et 250 000 habitants (hypothèse haute). Aujourd’hui les extensions urbaines et l’attractivité économique de la vallée de la Bourbre explique que les ambitions initiales ont été revues. Par exemple, le foncier initialement réservé aux industries est largement occupé par des entreprises commerciales et de logistique.
Zoom sur le Domaine de la Terre à Villefontaine
Édifié dans les années 1980 dans la Ville nouvelle de L’Isle-d’Abeau, le Domaine de la terre, unique en Europe, a été entièrement construit avec de la terre crue : un matériau longtemps utilisé dans la région, qui revient au goût du jour. Niché dans un écrin de verdure, cet ensemble de 65 logements sociaux a été créé il y a bientôt 40 ans, dans le contexte de la Ville nouvelle de L’Isle-d’Abeau. Une opération expérimentale lancée par Serge Mauroit, alors maire de Villefontaine.
« L’objectif était d’une part de renouer avec la construction en terre, une tradition bien ancrée dans la région dauphinoise jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, et de l’autre d’expérimenter des techniques peu gourmandes en énergie », explique Patrice Doat, architecte-chercheur au laboratoire de recherche CRAterre-Ensag, l’un des pionniers qui a participé au projet.