Des paysages contrastés entre la basse vallée de la Romanche (vallée très étroite en ‘V’), sombre, fortement boisée, aux versants abrupts et la vaste plaine fertile et bocagère de Bourg-d’Oisans (vallée en ‘U’) comme espace drainé pour favoriser l’agriculture et comme particularité peu commune dans les territoires de montagne.
Des activités humaines et industrielles concentrées en fond de vallée et ponctuant la Romanche sous forme de villes et villages distincts.
Une vallée aujourd’hui fortement marquée par un usage routier où la présence d’un flux important a bouleversé le paysage : pollution qui noircit les constructions, multiplication des aménagements routiers, etc.
Deux noyaux urbains importants : Vizille et Le-Bourg-d’Oisans, implantés dans les élargissements de la vallée et des hameaux de montagne surplombant la vallée et installés sur les replats ensoleillés.
Une agriculture, contrainte par le relief et les équipements en fond de vallée, présente essentiellement dans la plaine de Bourg-d’Oisans et en altitude sous formes de prairies et de pâtures.
Des activités hydroélectriques et des équipements de protection contre les risques naturels marquant fortement les paysages du fond de vallée.
Un patrimoine exceptionnel constitué d’édifices et d’aménagements imposants, dont certains seront démantelés.
« La vallée de la Romanche, profondément creusée par les glaciers entre Belledonne et Grandes Rousses au nord, Taillefer et Oisans au sud, présente un profil en auge caractéristique. Axe de liaison vers Briançon par le col du Lautaret, la vallée est surtout un axe de pénétration dans le massif de l’Oisans ».
La vallée de la Romanche est caractérisée par un fort contraste paysager entre la partie aval, qui est très encaissée, sombre et escarpée (commune de Livet-et-Gavet) et la large plaine de Bourg-d’Oisans, sculptée par un ancien lac glaciaire. Le verrou de l’Infernet forme un coude reliant ces deux parties de l’ensemble paysager. Ancien barrage naturel formé par un éboulement au coeur de ce resserrement rocheux, il a cédé en 1219, vidangeant brutalement le Lac Saint-Laurent et créant une crue historique jusqu’à la ville de Grenoble.
Dans le fond de la vallée, l’eau est présente principalement sous la forme d’un large cours d’eau : la Romanche pouvant s’étendre en canaux d’irrigation dans la plaine des Sables. En lien avec l’eau, les parcelles agricoles, cultivés et pâturées, occupent principalement la Plaine de Bourg-d’Oisans. Les risques naturels, comme le célèbre éboulement de Séchilienne, font partie intégrante des paysages de la vallée.
De manière générale, les populations se concentrent dans le fond de la vallée, sous la forme de petites villes reliées par l’axe de communication principal, la RN 91, où l’urbanisation est dense et groupée. Quelques villages et hameaux, installés à mi-pente ou sur des replats ensoleillés, dominent la vallée mais dont l’accès n’est pas toujours aisé.
Les infrastructures industrielles et hydroélectriques ont façonné le paysage et le tissu urbain de la vallée et occupent une grande partie du territoire disponible. L’essor économique de la vallée est très prégnant encore aujourd’hui et offre au territoire un patrimoine industriel spécifique.
« Travaillant sur la Romanche, j’ai la chance de pouvoir l’observer et la voir évoluer chaque jour, en toutes saisons et au rythme de ses humeurs.
Comme chaque matinée, mes journées démarrent par la réalisation de relevés et de vérifications diverses sur l’ensemble des barrages de la Romanche présents à Livet-et-Gavet mais également sur les lacs matheysins. Lors de ces temps de maintenance matinale, plusieurs points d’observation sont effectués: contrôle du débit, nettoyage des grilles en amont des installations, vérification de l’état et du bon fonctionnement des ouvrages (digues, vannes, etc.). Le niveau d’eau des lacs est également mesuré minutieusement pour s’assurer de l’étanchéité des retenues et détecter de potentielles fuites.
Sur la Romanche, une fois par semaine, je mesure l’ensablement (sable déposé sur le sol) en amont de chaque barrage. Selon les hauteurs d’eau relevées, les barrages sont vidés un à un pour réduire cette hauteur de résidus. L’eau est ensuite réintroduite petit à petit afin de chasser les dépôts en aval. J’apprécie particulièrement alterner mes activités entre la vallée de la Romanche et le plateau de la Matheysine car les paysages sont contrastés entre encaissement et horizons lointains.
Ici c’est le pays du caillou où les blocs de pierre ponctuent le fond de la vallée. Sur les versants, la roche en équilibre et les éboulements bruyants faisant partie du paysage sonore, rappellent l’omniprésence des risques naturels.
En cette journée printanière, avec l’association locale «Drac Nature», je participe à une opération de sauvetage des crapauds au niveau de la route qui longe le lac Mort étant donné que nous sommes en pleine période des grandes migrations.
L’après-midi est consacré à l’entretien de la végétation autour des ouvrages hydroélectriques. Les espèces invasives, comme les acacias et les frênes, sont retirées et des abattages / élagages sont effectués sur les sujets jugés trop proches des installations.
à la différence des berges du Rhône qui sont pâturées ponctuellement par les moutons, les abords enherbés de la Romanche étant trop étroits, ils sont entretenus par les barragistes (tonte, déneigement, etc.).
Une fois dans l’année, des lâchés d’eau importants sont réalisés pour tester les ouvrages et vérifier leur résistance. Lors de ces exercices de simulation de crues, le profil de la Romanche prend une toute autre forme dans les paysages de la vallée.
Les épisodes de crue impactent nos activités quotidiennes et marquent fortement les paysages. Celle de mai 2008 a été particulièrement violente car l’eau a emporté sur son passage la déviation en cours de travaux à Gavet. Cependant, cette catastrophe naturelle a permis aussi de tester les infrastructures en cours de réalisation et ainsi de reconstruire des aménagements plus solides. Notre rôle, lors des crues, est également de contrôler et gérer le débit de l’eau entre les différents barrages pour limiter autant que possible les dégâts et les volumes d’eau en aval de la vallée.
De manière quotidienne, nous assurons également la sécurité des usages sur la Romanche (kayakistes et pécheurs principalement) en les tenant informés des lâchés étant donné que les eaux proches des installations sont particulièrement poissonneuses.
Aujourd’hui le métier de barragiste n’est plus présent dans la vallée. Les barrages démantelés ont été remplacés par des ouvrages en partie souterrains qui offrent un gain de place au fond de la vallée. La rivière a retrouvé sa naturalité et les berges sont en cours de requalification par des voies douces et des plantations. Cependant, comme la rivière n’est plus séquencée par les ouvrages, le brouillard est davantage présent ».
L’ensemble paysager est bordé par différents massifs montagneux : la Chaîne de Belledonne, les Grandes Rousses, le Taillefer, etc. Son socle se compose de roches anciennes et cristallines datant de l’ère primaire voire antérieur. Les versants de la haute vallée de la Romanche (environs de Bourg-d’Oisans) sont recouverts de roches plus récentes datant de l’ère secondaire et correspondent à des terrains calcaires et marno-calcaires.
Cette vallée, encaissée aux versants vertigineux, a été formée par le glacier de la Romanche qui recouvrait ce territoire lors des dernières périodes de glaciation de l’ère quaternaire.
Au quaternaire, le fond de la vallée a été recouvert d’alluvions fluvio-glaciaire issues du retrait du glacier de la Romanche et de l’érosion torrentielle. La plaine du Bourg-d’Oisans est constituée d’un dépot fluvio-glaciaire de 80 à 100 m d’épaisseur, constitué de galets et de sables.
La Romanche, en partie endiguée, est peu visible et accessible dans l’ensemble de la vallée.
L’ensemble paysager est soumis à plusieurs aléas majeurs : les mouvements de terrain de grande ampleur comme les « Ruines de Séchilienne », les potentielles crues de la Romanche, les nombreuses chutes de blocs ainsi que les avalanches.
La population et les activités étant concentrés au pied des reliefs accidentés et en bordure de rivière, des enjeux sont présents.
Un risque naturel résulte d’une concentration, sur un même territoire, d’aléas et d’enjeux qu’ils soient humains, économiques, etc.
Les ruines de Séchilienne, situées en rive droite de la Romanche, appartiennent au massif de Belledonne et se composent de roches cristallines ayant subi des phases de compressions et d’extensions qui ont fragilisé le relief.
La stabilité des versants a également été affectée par le retrait du glacier de la Romanche lors des dernières périodes de glaciation puis par les activités torrentielles sur des versants à forte pente : 35, 40 %.
Dans sa partie aval, l’ensemble paysager est caractérisé par une étroite vallée aux versants présentant de forts dénivelés et contournant le massif du Taillefer.
La basse vallée, entre Vizille et Livet-et-Gavet, est orientée dans une direction Est-Ouest. La haute vallée correspondant à la plaine de Bourg-d’Oisans est orientée dans une direction Nord-Sud.
La vallée s’ouvre au niveau du bassin vizillois et de la plaine de Bourg-d’Oisans où son fond plat, de plus grande superficie, permet ainsi le développement des activités humaines.
La haute vallée, notamment la plaine des Sables, est caractérisée par un fond humide et irrigué où l’eau occupe une grande partie des surfaces plates et disponibles.
Les boisements de la vallée de la Romanche varient selon le relief, l’altitude et la présence de l’eau. De fins boisements humides accompagnent la Romanche dans ces portions étroites puis s’épaississent dans les élargissements de la vallée.
Les flancs de la montagne sont couverts de boisements de feuillus et de forêts mixtes (feuillus et conifères) peu exploitées. Les conifères surplombent la vallée et occupent les parties hautes des pentes à l’adret et à l’ubac. Peu visibles dans les paysages de la vallée en raison de son encaissement, les pelouses alpines ceinturent les sommets rocheux.
« Sur plus de 2000 hectares, un bocage tellement original que le géographe Raoul Blanchard l’a baptisé le « polder de l’Oisans ». A le contempler en effet, à partir des quelques points de vue élevés ménagés par la montagne, on est frappé par sa structure si originale aux pieds de montagnes si élevées, sur le plan parfaitement orthogonal des canaux qui l’assainissent. L’image est forte et unique ».
« La plaine de Bourg-d’Oisans a pour origine un surcreusement glaciaire comblé d’alluvions. Au XVIIIe siècle, la Romanche est endiguée et la plaine de Bourg-d’Oisans drainée selon la maille orthogonale qui fait l’originalité du bocage actuel nommé la plaine des Sables ».
« Les prairies qui séparaient encore il y a peu Séchilienne de Gavet, au fond de la vallée, vont s’enfrichant et se refermant; les flancs de la montagne sont couverts de sombres forêts inexploitées ».
L’ensemble paysager présente des alpages sur la quasi-totalité des hauteurs. En vallée, les prairies prédominent principalement dans la plaine de Bourg-d’Oisans, à l’exception de la limite Ouest (au dessus de Vizille) où les espaces agricoles sont principalement constitués de cultures.
La vallée étroite entre Séchilienne et Rochetaillée (Le-Bourg-d’Oisans) présente quasiment aucune parcelle agricole excepté au dessus des pentes boisées. Leur visibilité est limitée en raison de l’encaissement du fond de la vallée.
Le nombre d’exploitations a diminué d’environ 56 % de 1988 à 2010. La Surface Agricole Utilisée (SAU) a elle aussi baissé de 12 % sur cette même période. En 1988, la surface agricole était majoritairement couverte par des systèmes en polyculture et polyélevage, des espaces pastoraux et des élevages de bovins et des grandes cultures en fond de vallée.
En 2010, il reste principalement des systèmes en polyculture et polyélevage et des élevages d’ovins et caprins.
Les prairies sont utilisées pour les élevages laitiers dont le lait est valorisé par l’IGP emmental. Les parcelles sont de petites tailles et présentent un découpage particulier, très régulier et géométrique. En plaine, ces prairies offrent des paysages ouverts, cadrés par des haies et des canaux.
« Le remplissage alluvial de l’actuelle plaine de Bourg d’Oisans, en fait une enclave agricole fertile dans un environnement hostile où les terres agricoles se résument le plus souvent à quelques pâturages d’altitude ».
Les terrains les plus pentus présentent des sols minéraux peu propices à l’agriculture, excepté quelques espaces pastoraux et prairiaux sur les replats ensoleillés.
Ces espaces ouverts au sein des boisements tendent à se fermer en raison de la progression de la forêt face à des terrains difficiles à cultiver.
Les prairies et les alpages prédominent dans le paysage agricole de la Romanche. Des vergers sont présents autour des hameaux de montagne et ponctuellement dans la plaine de Bourg-d’Oisans. Quelques parcelles cultivées, à échelle humaine, côtoient les prairies géométriques de la plaine des Sables.
Entre le Péage de Vizille et Rochetaillée (Bourg-d’Oisans), les espaces urbains, sous forme de petites villes et de villages bien distincts, se concentrent au fond de la vallée, le long de la Départementale. Les espaces plats en fond de vallée sont très contraits par le relief et la présence de la Romanche et des axes de communication importants qui créent des ruptures physiques conséquentes dans l’aménagement du territoire.
La commune de Livet-et-Gavet est constituée d’une succession de hameaux ruraux, dont plusieurs ont changé de physionomie avec le développement de l’industrialisation mais en conservant leur coeur rural ancien.
Au XIXe siècle, les habitations, les commerces et les services se sont implantés le long de la route principale, formant des «villages-rues» au coeur de la vallée. Pour la plupart des espaces urbains, le trafic routier a été détourné des centres-bourgs par des déviations à la fin du XXe siècle.
Les villes et villages en fond de vallée sont soumis à des risques naturels majeurs en lien avec la topographie et la présence de la Romanche, ce qui contraint fortement leur développement.
Sur les replats ensoleillés, quelques hameaux groupés dominent la vallée et conservent une ambiance rurale et pastorale. Les espaces cultivés autour des habitations maintiennent les paysages ouverts au cœur des versants boisés.
Dans les élargissements de la vallée, où les surfaces plates et disponibles sont importantes, les espaces urbains sont plus conséquents.
Les villes de Vizille et de Bourg-d’Oisans constituent les principaux pôles de la vallée et possèdent des extensions urbaines en balcons particulièrement convoitées et ouvertes sur le grand paysage. Les logiques d’implantation sont donc différentes de celles en fond de vallée car l’implantation urbaine est moins contrainte.
Dans la plaine de plaine de Bourg-d’Oisans, le hameau des Sables a des caractéristiques très spécifiques : des bâtisses unitaires de volume conséquent, implantées perpendiculairement à la route.
Au début du XXe siècle, la vallée a connu une grande prospérité et a marqué considérablement l’histoire industrielle grâce à l’installation d’entreprises d’électrométallurgie, d’électrochimie et de papeteries. En lien avec l’installation des entreprises, des quartiers pavillonnaires pour les employés se sont développés à proximité des centres-villes. Ces usines, de taille conséquente et présentes encore aujourd’hui, marquent fortement les paysages de la vallée et occupent une place prépondérante au sein du tissu urbain.
Les bâtiments dédiés aux services publics, comme les mairies et les écoles, sont imposants également. Leurs façades en pierre de couleurs grises et noires, se fondent dans le paysage minéral et hostile de la vallée.
« (…) les établissements industriels semblent figés dans un immobilisme d’autant plus impressionnant qu’ils suggèrent par leur taille l’importance des populations qui y vécurent et y travaillèrent aux exténuants travaux des forges. Jusque dans les années 1970, c’était, dit-on, un univers dantesque. Celui qui lui a succédé est sombre et froid, comme dans l’attente de la lumière ».
Les habitations des hameaux de montagne contrastent avec les constructions de la vallée.
Les murs sont en pierres et les toits à deux pans sont en tôle ondulée. Les habitations sont resserrées et possèdent des orientations différentes.
Insérés entre les maisons, les jardins cultivés et les petits cheminements informels participent à l’ambiance rurale et conviviale des lieux.
Ce bâti rural comme les fermes est aussi présent en fond de vallée: c’est le contraste entre les constructions rurales et industrielles qui est saisissant.
Bien que l’ensemble paysager ne possède ni d’autoroute ni de voie ferrée, la vallée de la Romanche est un territoire traversé et fortement fréquenté car il permet l’accès au département des Hautes-Alpes, à l’Italie et aux stations de ski de l’Oisans.
La D 1091 est l’axe principal de communication comme «colonne vertébrale» desservant l’ensemble du territoire. Cette route longeant la Romanche offre des points de vue remarquables sur la rivière.
Les équipements hydrauliques, comme les centrales et les barrages notamment, se concentrent le long de la Romanche et de la D 1091 et font partie intégrante des paysages du fond de la vallée. Ils sont nombreux et mettent en avant l’utilisation de la Romanche comme eau énergie.
Le territoire possède une carrière à Livet et Gavet et une gravière à Auris, à l’entrée de la vallée du Vénéon.
Dans les gorges de l’Infernet, entre les barrages du Clapier et du Chambon, la D 1091 devient plus sinueuse, épousant le relief à flancs de montagne.
Quelques routes secondaires permettent de relier les hameaux de montagnes aux espaces urbains le long de la Romanche. Ces voies, souvent escarpées et étroites, surplombent la vallée et proposent des itinéraires de découverte du territoire.
A même le rocher, ces tracés vertigineux, en tunnel et en encorbellement, offrent des panoramas exceptionnels. C’est le cas également de la route entre le col d’Ornon et Bourg-d’Oisans qui sillonne les gorges de la Lignarre.
« Comme dans toutes les vallées alpines, ces routes sont de grands motifs de paysage, […] dans la mise en scène des paysages qu’elles traversent. […] parce que ce sont elles qui ménagent la lisibilité et l’accessibilité des paysages qui resteraient confidentiels alors qu’ils méritent d’être découverts et appréciés par le plus grand nombre ».
La vallée a eu un rôle majeur dans le développement industriel de la région grenobloise grâce aux équipements hydrauliques le long de la Romanche pour produire de l’électricité, appelé «Houille Blanche». Cette vallée a connu, fin du 19e siècle / 20e siècle, un essor économique qui a fortement marqué la vie de la vallée avec le développement d’entreprises d’électrochimie et d’électrométallurgie.
Aujourd’hui, afin d’augmenter la production électrique, renaturer certaines portions de la Romanche et valoriser les paysages naturels de la vallée, un nouvel aménagement hydroélectrique souterrain est en fonction depuis 2020.
Sa mise en service a engendré l’arrêt des centrales préexistantes et pose la question de leur démantèlement ainsi que celui des ouvrages associés (barrages au fil de l’eau, prises d’eau, conduites…). La centrale des Vernes, protégée au titre des Monuments Historiques, est conservée. Les paysages de la vallée vont ainsi connaitre de fortes évolutions.
« La Romanche « d’en bas » est la vallée de l’énergie et de l’industrie: forges, fourneaux, martinets, papeteries, centrales hydrauliques, usines électrométallurgiques et électrochimiques. Elle porte les vestiges de sa grande ère industrielle, fin XIXe, début XXe. Aujourd’hui l’industrie est déclinante mais la production d’énergie a connu un renouveau avec la construction de barrages et de centrales hydroélectriques sur la Romanche et l’Eau d’Olle ».
De nombreuses usines et centrales hydroélectriques, comme bâtiments monumentaux, sont présentes le long de la Romanche. Marquant l’identité du paysage industriel de la vallée, ces constructions constituent un patrimoine architectural exceptionnel et unique.
En lien avec l’industrialisation de la vallée, une ancienne voie ferrée était présente près de la Romanche mais qui a disparu aujourd’hui. Seules quelques traces sont visibles au niveau de la route départementale 1091.
La lecture des paysages est issue de la conjugaison des thématiques observées dans les chapitres précédents. Mais les paysages sont aussi constitués par le regard que l’on porte sur eux et des images que l’on s’en fait, nourris par un imaginaire social et culturel. On ne pourrait donc pas comprendre leur construction sans tenir compte des fondements culturels qui ont forgé leurs représentations sociales.
Voici quelques faits historiques et culturels locaux qui ont marqué les esprits, ont participé à la représentation sociale des paysages et influencent notre manière de les percevoir.
Texte publié dans le petit Dauphinois le 4 novembre 1928 (journal de presse antérieur au Dauphiné libéré)
« 10 heures. Le train du Bourg-d’Oisans nous avait laissés au fond de la vallée puis s’était glissé dans un panache de fumée grise, vers la coupure, immense coup de sabre en forme de V, qui donne accès au royaume de l’électrochimie.
Derrière cette porte monstrueuse, Rioupéroux et Livet, crachaient par leurs innombrables et hautes cheminées de briques des vapeurs bleuâtres.
La Romanche, torrent gris et furieux grondait et se brisait avec fracas contre les barrages de pierre […].
Devant nous, accrochés au flanc de la montagne, Saint-Barthélemy-de-Séchilienne !
La Romanche en colère n’est plus, vue de cet endroit, qu’un large ruban gris paisiblement étalé. Son murmure indistinct trouble à peine le silence, ponctué des sonneries du glas ».
Raoul Blanchard est enseignant à l’université de Grenoble et spécialisé en géographie alpine. 1907, il fonde en 1906 l’Institut de géographie alpine.
Parmi les scientifiques français, Raoul Blanchard est un de ceux qui ont le plus influencé le regard des populations porté sur la montagne, sur les Alpes en particulier et sur les bouleversements agricoles et industriels qu’elle connaît à cette époque.
Ernest Victor Hareux est un peintre français connu pour ses peintures de montagne et membre fondateur de la Société des peintres de la montagne. Il apprécie particulièrement les paysages au ciel changeant et capricieux. Plusieurs peintures ont été réalisées en Isère comme «La Romanche à Livet». Il a également illustré de nombreux livres sur la montagne comme celui de Daniel Baud Bovy «La Meije et les Ecrins».
La présence d’un cours d’eau puissant, de bois à proximité, de mines d’extraction (notamment du fer) et d’axes de communication importants a permis l’essor industriel de la vallée.
Les premières industries de la vallée de la Romanche s’installent à Riouperoux (commune de Livet-et-Gavet). En 1829 un haut fourneau produisant de la fonte est construit. Utilisant la force de l’eau des papeteries se développent également dans la vallée grâce notamment à l’industriel Jean Baptiste Neyret.
De 1893 à 1964, la ligne de chemin de fer des «Voies Ferrées du Dauphiné» facilite le transport des matières premières et des produits finis entre Vizille et Le Bourg d’Oisans.
Ingénieur des «Arts et Métiers», Charles Albert Keller a fortement remodelé les paysages de la vallée en s’associant en 1900 avec Henri Leleux pour fonder les « Établissements Keller et Leleux». Dédiés à la fabrication de produits électrométallurgiques, notamment des obus durant la Première Guerre mondiale, de nombreuses usines et centrales hydroélectriques se sont développées le long de la Romanche.
Le pavillon Keller fait partie aujourd’hui de la culture populaire en tant que bâtiment phare du film «Les Rivières Pourpres» de Mathieu Kassovitz.
Le Domaine de Vizille a marqué les esprits dans l’histoire de la révolution française en lien avec les différents évéments qui se sont déroulés au chateau.
En juin 1788, Grenoble se révolte lors de la journée des Tuiles. Le 21 juillet 1788, les Etats généraux du Dauphiné se réunissent au Château de Vizille dans la salle du Jeu de Paume, sur l’autorisation du propriétaire du château de la ville, l’industriel Claude Périer. Cette assemblée lance un appel à la nation pour définir un nouvel ordre politique.
La vallée de la Romanche tout comme l’Oisans possède des sols cristallins riches en minéraux divers. La présence de ces pierres et l’histoire autour de leur extraction font partie du patrimoine naturel et culturel de l’ensemble paysager.
En lien avec les nombreux gisements présents, les paysages de la vallée portent les traces de l’histoire minière et minéralogique: or et quartz de La Gardette (Villard-Nt-Dame), argent aux Chalanches (hameau au dessus d’Allemont), fer à Vizille, etc.
La richesse de ce sol a longtemps fasciné les « chasseurs de cristaux » et les collectionneurs. Première collection française de minéraux alpins, le Musée des minéraux et de la faune des Alpes fait de Bourg-d’Oisans un centre de référence minéralogique.