Des paysages perchés, difficiles d’accès, au caractère exceptionnel par la qualité de vie qu’ils génèrent et les activités dont ils sont le support, comme sur un plateau isolé, procurant le sentiment d’un « monde d’ailleurs »
Des paysages systémiques, issus d’une relation étroite entre les activités qui les construisent, l’élevage, la sylviculture et la pratique sportive
Des paysages contrastés, entre un versant oriental très dynamique, fréquenté et aménagé, en forte évolution et menacé, et un versant occidental plus stable, plus préservé, moins accessible
Des paysages étagés, très boisés, au sein desquels les espaces ouverts sont dédiés à l’élevage, qu’ils soient situés en fond de vallée ou en alpage
Des paysages au fort caractère mémoriel, théâtre d’épisodes historiques très sensibles ancrés dans les mémoires et les éléments paysagers en référence
« Ces paysages ne sont pas ceux de la haute montagne, objet de dépassement et de conquête, mais ceux de la montagne pastorale, humanisée, contemplative, protectrice et régénératrice. Ils le sont restés, même si une dimension sportive très caractéristique s’y est ajoutée et développée depuis un demi-siècle. »
Les paysages du Vercors sont d’une grande diversité et d’une grande richesse, que l’aspect tabulaire du massif, souvent perçu comme une forteresse, dissimule aux premiers abords. À proximité de l’agglomération grenobloise, ils sont fortement convoités, tant par les locaux que les visiteurs, faisant l’objet d’une forte demande sociale, pour les loisirs quotidiens ou occasionnels ou pour la résidence, les menaçant à plus d’un titre. Mais ils sont également préservés, notamment par l’action du Parc naturel régional du Vercors, qui couvre la totalité du territoire. On y trouve encore beaucoup de paysages peu fréquentés, pittoresques, de villages isolés dans des clairières verdoyantes aux silhouettes remarquables se détachant des barrières rocheuses, des forêts exploitées avec soin depuis des siècles.
Les paysages procurent également, à la fois de l’apaisement, par leur côté bucolique, le caractère champêtre des prairies, la sensation d’air pur qui attire de nombreux visiteurs, et à la fois de la dureté, par les mouvements et les formes du relief très accidentées, la force des torrents, les dénivelés vertigineux et le climat parfois extrême.
Les paysages du Vercors fascinent, attirent ou repoussent mais ne peuvent laisser insensible celui qui les traverse. La difficulté à accéder aux hauteurs du massif, vallées berceau et hauts plateaux, par des routes aussi impressionnantes que sublimes, lui donne un caractère de monde perché, « d‘ailleurs » et dont l’Histoire, rythmée d’épisodes tumultueux, a participé à façonner des paysages riches en mémoire.
Les paysages vercusiens illustrent parfaitement le système de mutualisation qui les ont construits, associant l’élevage, la sylviculture et plus récemment les loisirs de montagnes, qui en font le facteur d’attractivité principal, avec l’hospitalité d’une campagne de montagne.
Natif de Claix mais ayant quitté le territoire pour mes études et le monde professionnel, j’ai repris la ferme familiale en 2015 avec ma compagne, et nous nous occupons aujourd’hui de 140 brebis mères et d’autant d’agneaux par année. Nous produisons de la viande en cohérence avec le label Bio et valorisant le circuit court. En parallèle de la vente de viande, nous vendons également de petits objets faits main avec la laine de nos brebis. Pour finir la présentation de nos différentes productions, on cultive quelques fruits comme les groseilles et framboises pour la mise en bocal de la confiture.
« Le fondement du métier d’agriculteur c’est de produire la nourriture de qualité et respectueuse de l’environnement. C’est tout ce qu’on recherche ! ».
Dans un rôle davantage pédagogique et de sensibilisation au monde de la ferme, nous accueillons des groupes scolaires de l’agglomération grenobloise à la ferme pour leur faire voir et un petit peu pratiquer nos activités quotidiennes. On a vraiment à cœur de leur montrer que le fondement du métier d’agriculteur c’est de produire la nourriture qu’ils consomment et qu’elle soit de qualité et respectueuse de l’environnement. C’est tout ce qu’on recherche !
Ces différentes activités se calment entre juillet et août à cause de la période d’alpage qui nous oblige à quitter la ferme pendant quelques jours.
Je distingue nos paysages quotidiens en 2 zones : la zone basse où se situe notre ferme et dans laquelle nous séjournons durant l’hiver et une grande partie de l’automne et du printemps et la zone haute au niveau de l’ENS du Peuil que nous occupons en partie estivale. Il y a une différence notoire en termes de paysage et d’ambiance entre les deux. Par exemple, la zone basse est assez pentue, elle a du caractère, cela rend le travail assez physique à n’importe quelle saison ! C’est un réel panachage paysager avec de vastes zones forestières fermant la vue et laissant apparaître au détour de clairières des silhouettes villageoises préservées, des espaces agricoles encore fermés puis de vastes zones agricoles ouvertes.
« La zone basse est assez pentue, elle a du caractère ! Cela rend le travail assez physique à n’importe quelle saison ! ».
Lorsque vient la période d’alpage, nous conduisons le troupeau en altitude sur l’ENS de la tourbière du Peuil, sur 250m de dénivelé pendant 7 kilomètres, c’est sportif surtout en été ! On y reste du mois de juin à la fin octobre, début novembre. La journée commence vers 7h lorsqu’on sort les brebis et durant tout le trajet, il faut s’obliger à suivre le chemin balisé, sécurisé préparé la veille pour éviter les zones de fauches interdites, les parcs, les espaces mis en culture… Durant ce périple, on traverse l’intégralité des paysages locaux tels que les bourgs de village sous les regards amusés des habitants, les chemins où résonnent les cloches des brebis, etc.
« C’est vraiment un patchwork paysager qui amène sans cesse un renouveau au fil des saisons ».
Quand on arrive dans l’ENS du Peuil au mois de juin, on se rend compte que le paysage n’a plus rien à voir avec celui d’en bas. On ne s’imagine pas que c’est juste à 7km de chez nous ! C’est un plateau, la vue porte davantage, donc on se rend compte qu’il y a encore des paysages herbacés à perte de vue alors que c’est presque la fin en plaine au début de l’été. Une mosaïque paysagère se forme également avec des zones de tourbières bordées de quelques espaces boisés. C’est vraiment un patchwork paysager qui amène sans cesse un renouveau au fil des saisons. Les arbres laissent leurs couleurs estivales pour revêtir leurs couverts vermeils lorsque l’automne arrive. Cela nous fait prendre davantage conscience des saisons.
A contrario, je n’ai pas vraiment de paysage qui me rebute car notre démarche agricole s’inscrit dans la valorisation de l’existant en la façonnant pour l’adapter un peu plus à nos besoins mais sans l’altérer. Chaque paysage possède une fonction particulière et utile à quelque chose à quelqu’un.
« La période de pousse de l’herbe, la mise en place des feuilles varie énormément d’une année sur l’autre ».
Faire pâturer les brebis modifie fortement le paysage. Par exemple, en les amenant sur des versants enfrichés depuis des années, complètement hermétiques à tout type d’entrée, cela a permis une ouverture progressive de ces terres tout en amenant aux bêtes des ressources alimentaires très diversifiées. Le paysage change en fonction de l’impact des variations climatiques. La période de pousse de l’herbe, la mise en place des feuilles varie énormément d’une année sur l’autre. La ressource en eau devient également problématique. Notre source qui alimente la ferme baisse de plus en plus tôt dans l’année et ne se recharge plus aussi vite en fin d’été. Par conséquent, l’accès aux ressources devient très aléatoire ».
Le massif du Vercors présente des paysages de moyenne montagne, de vallées et de plateaux, constituant la partie sud des préalpes iséroises et représentant un des deux pans de la «porte des Alpes», l’autre pan étant représenté par le massif de la Chartreuse.
Les paysages sont structurés par des chaînes de montagnes d’altitude moyenne, orientées nord-sud, issues des plissements pré-alpins laissant apparaître les charnières monoclinales* et enserrant vallées et plateaux habités. Les chaînes forment des limites paysagères naturelles, isolant les plateaux suspendus et les vallées des versants situés plus bas donnant sur les vallées de l’Isère et du Drac.
* Pour plus d’informations sur la formation géologique : www.geol-alp.com
Situés à altitude relativement basse autour du « Y » grenoblois, les balcons offrent de nombreux points de vue remarquables sur les vallées de l’Isère et du Drac, limites naturelles de l’ensemble paysager. Encore pâturés il y a quelques dizaines d’années, ils sont aujourd’hui conquis par l’urbanisation résidentielle, profitant de cette situation privilégiée.
« Les bancs de calcaire massif tithonique forment, au pied du versant oriental du Vercors, une réplique de la falaise urgonienne qui les surplombe. La barrière ainsi formée isole, entre les deux corniches, une série de vallées parallèles aux crêtes, les rivières rejoignent la vallée principale du Drac par des cluses perpendiculaires à la direction principale du réseau hydrographique.
Cette disposition morphologique, discrètement à l’écart de la vallée du Drac, crée un environnement protégé, des paysages « en creux » au pied des parois du Vercors mais dominant la vallée du Drac.
Le mythique Mont Aiguille, détaché de la corniche du Vercors, a une altitude équivalente et surtout un sommet du même calcaire massif urgonien qui, formant falaise, lui donne sa silhouette caractéristique. »
« Le versant occidental présente un relief vigoureux dans lequel les rivières, sans doute aidées par des circulations souterraines préexistantes, ont taillé par des gorges spectaculaires qui desservent des dépressions fermées (Malleval, vallée de Presles).
Ces reculées d’accès difficile ont une vocation agricole et forestière mais elles ont aussi servi de refuges dans les périodes difficiles, notamment lors de la Résistance.
Aujourd’hui leur relief et leurs torrents les ouvrent au tourisme sportif (voies d’escalade célèbres à Presles, canyoning dans la vallée de la Bourne, etc.) ».
« Au sud, le karst est très développé sur (et dans) le plateau du Veymont, les dolines, gouffres et scialets sont nombreux, et la surface présente de beaux lapiaz, véritables jardins alpins. »
Si le massif du Vercors a été beaucoup plus pâturé qu’aujourd’hui, donc plus ouvert, les paysages vercusiens actuels sont en revanche très boisés. La forêt est constamment sous nos yeux, couvrant les montagnes depuis les prairies les plus hautes des fonds de vallées jusqu’aux sommets ou aux alpages. Deux grands types de paysages en résultent :
« La forêt des Coulmes a quelque chose de mythique. Entièrement faite de feuillus, surtout de hêtres, elle a longtemps été la seule source locale de revenus, approvisionnant toute la région en bois de tournage et de construction pour les chantiers navals, ou en charbon de bois pour la fonte des canons à Saint- Gervais. L’histoire de cette exploitation fut agitée du fait de son morcellement et de sa surexploitation, à laquelle mirent fin, au siècle dernier, le progrès et le service militaire (M.D. Glénat, cité par Sgard, 1997 :33) qui vidèrent peu à peu les rares hameaux et rendirent ce « pays propice à la forêt » à une exploitation rationnelle partagée entre propriétaires privés, communes et État. »
La forêt représente une richesse économique importante dans le Vercors. Comme l’indique la carte, tous les versants sont recouverts, signe du dynamisme et de la bonne gestion de l’activité. Par exemple, Gresse-en-Vercors compte plus de 850 hectares de surface boisée, deux scieries en activité. La plupart des maisons sont chauffées au bois produit sur la commue.
« C’est d’ailleurs cette volonté d’exploitation rationnelle [de la forêt] qui fut à l’origine de l’épopée de la construction des routes de pénétration du massif à travers les gorges encaissées de la Bourne et autres Nant, les méthodes traditionnelles par glissage ne suffisant plus à la production industrielle. »
La gestion des forêts du massif appartient à l’ONF, mais la plupart des communes autorisent l’affouage, en permettant aux habitants de procéder eux-mêmes à la récolte du bois de chauffage, méthode vertueuse répondant aux enjeux énergétiques, environnementaux, économiques et sociaux.
Le caractère montagnard des paysages vercusiens se révèle lorsque l’on prend de l’altitude : le hêtre et le chêne, principales espèces de feuillus en boisements purs, laissent leur place aux sapins et épicéas, principales espèces de résineux locales, à partir de 1700m.
En-dessous de cette altitude, la répartition se fait en fonction de l’exposition : les feuillus, hêtres ou autres espèces comme le chêne dans les gorges de la Bourne, colonisent les versants les plus exposés, les adrets, tandis que sapins et épicéas s’accommodent des versants les moins exposés, les ubacs, produisant des paysages aux profils asymétriques.
« De la Grande Moucherolle (2 284 m) au Grand Veymont (2 341 m) s’étire la plus haute corniche urgonienne du Vercors. Elle interrompt brusquement le flanc ouest d’un large synclinal perché, domaine des pelouses rases et des maigres boisements de pins à crochets.
[…] La nature est au premier plan des préoccupations du Parc Nature Régional : la Réserve naturelle créée en 1985 en est la perle. Avec ses 17 000 hectares environ de superficie, c’est la plus grande de France métropolitaine. Quant à ses étagements de végétation en altitude, ils comprennent la séquence suivante :
• de 500 m à 1 300 m le mélange de sapins et d’épicéas de la forêt montagnarde,
• de 1 300 m à 1 700 m le mélange d’épicéas et de pins à crochets de la forêt subalpine,
• de 1 700 m à 2 000 m des peuplements de pins à crochets épars sur des pelouses alpines rocailleuses pâturées,
• au-delà, ce sont les falaises et les rochers.
Dans le massif du Vercors, l’agriculture est largement dominée par l’élevage. Il s’agit même de la seule et unique activité agricole. Les paysages s’en ressentent fortement, largement ouverts en fonds de vallées, verdoyants au printemps et en été. Partout s’opposent les couleurs vertes, entre le vert sombre des conifères, le vert plus clair des feuillus et le vert tendre de l’herbe, que l’on trouve en fond de vallée ou en alpages, parfois reliés par les prairies en lanières des pistes de ski.
Quelques parcelles de cultures céréalières apparaissent parfois, nécessaires pour le fourrage destiné à nourrir les animaux en hiver.
Le Vercors est un de ces territoires pour lesquels les alpages revêtent un caractère prépondérant pour leurs paysages. Sur ce territoire de montagne pentu et difficile d’accès, on retrouve principalement des espaces pastoraux accueillant des troupeaux en été : les alpages et les landes représentent 48 % de la surface agricole.
Ils sont situés sur les plus hauts versants, particulièrement dans les parties est et sud, mais sont fortement menacés par le changement climatique, du fait de l’insuffisance en eau, aggravée par le caractère drainant du relief karstique.
La déprise agricole des années 1970/80 a fortement diminué la surface agricole. De nombreux espaces de friches sont apparus, principalement sur le versant ouest, le moins dynamique pour l’élevage.
Actuellement, les paysages ouverts représentent des clairières assez réduites. Le versant ouest se referme peu à peu au profit des conifères, qui se développent spontanément plus vite : les paysages sont de plus en plus composés de boisements de résineux, favorisés par la forte déprise agricole en cours.
Le Vercors est un territoire hautement nourricier, faisant l’objet de multiples appellations, dont le « bleu du Vercors-Sassenage », pour le fromage qu’il produit. Il ne fait aucun doute que les visiteurs associent facilement les activités gastronomiques et sportives, venant dans le Vercors pour son air pur, son dynamisme sportif et les produits locaux. Mais combien font le lien entre leur assiette et les paysages vercusiens ? Et combien savent qu’ils peuvent pratiquer le ski grâce aux éleveurs et aux vaches vercusiennes ?
Quoi qu’il en soit, les paysages du Vercors sont un support privilégié pour la compréhension du fonctionnement du territoire, illustrant parfaitement le système de relation existant entre ses pratiques de loisirs, son agriculture et sa gastronomie.
Surface de l’EP recouverte par un label de qualité (%) |
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AOC Bois de Chartreuse AOP Bleu du Vercors-Sassenage AOP Noix de Grenoble IGP Emmental français est-central IGP Raviole du Dauphiné IGP Saint-Marcellin IGP Volailles de la Drôme |
2,4 48,2 35,4 100 16,7 57,3 78 |
De manière générale le bâti est localisé sur les rebords surélevés des plaines et des fonds de vallées et les replats en balcon des versants, suivant une organisation en bourg/ville-hameaux.
Les paysages du massif se perçoivent à travers deux contrastes saisissants, entre les parties est et ouest et entre le haut et le bas, procurant le sentiment de paysages fortement étagés, d’un monde à part, perché et difficile d’accès.
À proximité de Grenoble, sur les premiers balcons et dans les hautes vallées, les paysages sont plus fréquentés, plus dynamiques, plus construits, indicateurs d’un territoire de loisirs reconnu et quotidien. La pression urbaine de la ville marque les paysages par une urbanisation plus étalée, moins dense, sur un schéma de maisons individuelles à l’architecture banalisée, regroupées en lotissements ou dans les hameaux.
En partie ouest et dans les vallées cachées du sud-est du massif, le territoire étant moins accessible, notamment contraint par les gorges, l’urbanisation est moins développée, souvent dissimulée par la forêt. Les paysages sont moins étendus, plus préservés, confidentiels et intimes.
La grande particularité du bâti du Vercors est sans doute la présence des murs pignons à redents, aussi appelés pignons à lauzés. Les murs pignons sont protégés par des dalles en lauze disposées en escalier, issues du gisement présent dans le massif, servant à protéger les toits en chaume des tempêtes venues du sud. On retrouve cette caractéristique principalement dans les parties hautes de l’ensemble, les pignons à redents étant absents de la partie ouest et sud-est.
Aujourd’hui, le chaume a disparu, et les dalles de lauzes sont souvent remplacées par des dallettes de ciment.
Les unités bâties sont constituées d’un seul grand volume massif, regroupant les fonctions d’habitat et agricoles, construits avec la pierre calcaire qui compose le socle géologique. D’autres détails sont constitutifs de l’architecture du Vercors, comme les génoises.
Le bâti plus récent, construit à partir du milieu du XXème siècle, s’est appauvri architecturalement, pour présenter des caractéristiques véhiculaires, que l’on retrouve sur l’ensemble du territoire national. La structure urbaine s’est également transformée, développant les ensembles pavillonnaires de maisons individuelles au milieu de leurs parcelles.
La présence d’une seule ZAE est à noter, à proximité de Villard-de-Lans, dont l’architecture banalisée produit un paysage à caractère périurbain, réduisant le sentiment d’un monde à part et spécifique.
La seule zone d’activité économique de la vallée de Villard-de-Lans, les Geymonds, se perçoit par son détachement de la ville, au milieu de la plaine, contrastant avec les logiques d’implantation locales
« Si le village lui-même [Villard-de-Lans] a su conserver un caractère relativement cohérent, il n’en va pas de même pour le reste de la vallée qui voit se répandre un habitat éparpillé plutôt que de rester inscrit dans le modèle des hameaux régulièrement espacés. Ce bâti affecte des styles disparates, souvent convenus, qui ajoutent à l’effet de banalisation de l’espace – le cas extrême étant donné par la zone artisanale des Geymonds – et dont l’impact serait moindre s’il se trouvait regroupé. »
A Villard-de-Lans, site touristique et chef-lieu d’une région dite « pittoresque », le sanatorium de la Tremblaye est construit en 1922 au hameau des Pierres. La crainte de la contagion aboutit à sa fermeture quelques années plus tard et la commune se transforme alors en station d’altitude spécialisée pour le séjour des enfants convalescents. Pour ce faire, l’ancien sanatorium est transformé en hôtel et prend le nom L’Adret (pour évoquer le versant exposé au soleil), et des maisons et homes sont créés pour l’accueil des enfants. En 1930, Villard est consacrée station climatique.
Le Vercors est connu pour ses petites et moyennes stations de ski, notamment de ski nordique. Le massif dispose de plusieurs stations très fréquentées, par les touristes et les grenoblois venant pour la journée. Il a accueilli les premières stations villages du département.
Ses paysages sont marqués par l’architecture très particulière des stations de ski, contrastant fortement avec l’architecture typique locale. Le contraste s’accentue en inter saison, lorsque les stations perdent leur dynamisme et produisent des paysages désertés.
Si les paysages du Vercors restent préservés, c’est aussi grâce au réseau de routes peu développé. Une seule route départementale, la D531, permet de traverser le massif. Chaque vallée dispose d’une route principale reliée à la D531, reliant les villes, bourgs et hameaux par de petites ramifications, sauf les vallées cachées du sud-est, depuis lesquelles il est impossible de relier le cœur du massif directement sans remonter jusqu’à Grenoble.
D’autre part, aucune grande infrastructure ne traverse le massif, du fait de sa hauteur et de ses faibles possibilités d’accès.
« Fameuses gorges de la Bourne, emblématiques gorges de la Bourne ! Les autres superlatifs ne manquent pas, et ceux de « mythiques » et de « légendaires » suffisent à célébrer les exploits qui marquèrent, à la fin du siècle dernier, la saga des grandes routes de pénétration du Vercors. »
La construction de la route des gorges de la Bourne (D531), « jointe à celle des routes des gorges du Furon, des Grands Goulets, du Nan et de Combe-Laval donnèrent le signal, non seulement du désenclavement économique du massif, mais aussi de l’essor du tourisme spécifique du Vercors, celui de la montagne alpestre. »
Aujourd’hui, on compte relativement peu d’accès directs aux hauteurs du massif et chaque entrée ne le dessert pas complètement. Mais avec la possibilité de pénétrer le massif, c’est la qualité des accès, dont beaucoup sont difficiles, qui donne au Vercors des allures de forteresse, ou de « monde d’ailleurs ».
« Pas un encorbellement, pas une vire, pas un tunnel, pas un pont qui ressemble à un autre, nous sommes très loin de la banalité trop fréquente de certaines réalisations routières ou autoroutières de la modernité. Et l’on comprend aisément que toute amélioration, tout « recalibrage », risquerait de se faire au détriment d’une originalité qui compose avec le naturel et le sauvage en le respectant sans passer en force. »
« Ces chefs-d’œuvre d’esthétique fonctionnelle sont inscrits dans la belle roche blanche et suscitent l’admiration pour la qualité de leur adaptation à un monde pourtant hostile. On comprend, devant ces encorbellements, ces tunnels, ces vires vertigineuses, que le mot de génie ait pu trouver ici une application particulière et spécifique. Tous ces ouvrages édifiés dans les règles de l’art figurent au rang de motifs de paysage exceptionnels, points forts et plus encore points focaux des paysages des gorges, au même titre que ceux des plaines ou des montagnes, mais combien plus rares, et, de ce fait, plus motivants. Plus que rares même, ils sont tous uniques. »
Les circuits pédestres du Vercors sont célèbres et font la renommée de ses paysages. Ils sont parmi les plus anciens de France et attirent chaque année, à toutes les saisons, des milliers de randonneurs français et étrangers.
Le massif du Vercors est peu occupé par les routes, mais en revanche, il est sillonné de toutes parts par les circuits pédestres, de petite ou grande randonnée. Deux parcours de grande randonnée de pays permettent de traverser et découvrir l’intégralité des paysages du Vercors isérois : ils traversent toutes la parties du massif, en passant par les fonds de vallées, les hauts plateaux, en suivant les crêtes des chaînes de montagne et les barrières rocheuses. On peut citer notamment le GR91 qui traverse la Réserve Naturelle des Hauts Plateaux.
Plus d’informations : https://parc-du-vercors.fr/RNNHPV
Depuis que le ski est pratiqué dans le Vercors et s’est institutionnalisé par la création des stations ou le développement des villages stations, la montagne ne cesse d’être équipée de manière à optimiser l’activité touristique. Les équipements « classiques » des sports d’hiver font aujourd’hui partie intégrante du paysage. Ils jalonnent les paysages, notamment par les ouvertures dans la forêt que les remontées par câble génèrent, mais également par les équipements annexes nécessaires à l’activité, comme les équipements routiers, enrochements, talus, parkings, et les bâtiments techniques.
Le changement climatique, ayant pour tendance de réchauffer les températures, se répercute dans les paysages par les équipements qu’il induit. L’exploitation de la montagne en hiver étant en déclin par le déficit de neige, les stations cherchent à l’exploiter aussi en été, en aménageant des équipements de loisirs d’été ou de mi-saison, à destination des visiteurs mais aussi des locaux. Ce nouvel Eldorado provoque des changements paysagers conséquents, parfois peu perceptibles mais risquant, comme pour les équipements d’hiver, de menacer la qualité des paysages par la multitude d’aménagements annexes nécessaires.
La lecture des paysages est issue de la conjugaison des thématiques observées dans les chapitres précédents. Mais les paysages sont aussi constitués par le regard que l’on porte sur eux et des images que l’on s’en fait, nourris par un imaginaire social et culturel. On ne pourrait donc pas comprendre leur construction sans tenir compte des fondements culturels qui ont forgé leurs représentations sociales.
Voici quelques faits historiques et culturels locaux qui ont marqué les esprits, ont participé à la représentation sociale des paysages et influencent notre manière de les percevoir.
C’est avec le changement de représentation sociale de la montagne, autrefois crainte, qu’elle prit une place de choix parmi les sujets de travail des peintres. Le développement du tourisme en montagne a également favorisé le phénomène, et depuis, de nombreuses toiles du Vercors ont été produites. Aujourd’hui encore, les formes caractéristiques du massif Vercors inspirent de nombreux peintres, dont les toiles participent à l’ancrage des montagnes vercusiennes dans les représentations sociales des paysages isérois.
Chemin dans le Massif du Vercors, Anne Baudequin, 2020.
Le berceau de l’alpinisme
Le Mont-Aiguille est reconnu comme le premier haut sommet des Alpes a avoir été gravi, le 26 juin 1492. Ce fût le début de l’ascension des monts jusqu’à lors reconnus inaccessibles, comme le montre cette gravure célèbre du Mont-Aiguille : « Il se dresse, inaccessible ».
Depuis, le département de l’Isère est reconnu mondialement pour la pratique de l’alpinisme et de l’escalade, rendues illustres par la peinture ou les affiches touristiques.
Le rayonnement des Jeux Olympiques de 1968
Les JO d’hiver qui se sont tenus à Grenoble en 1968 ont permis de mettre en valeur les paysages montagnards de l’Isère et plus spécifiquement du Massif du Vercors et la commune d’Autrans. Les épreuves de ski de fond, de saut à ski et de biathlon s’y déroulaient. Un tremplin de 70 mètres, contre la colline du Claret, a été construit et existe encore aujourd’hui.
La Résistance dans le Vercors
Dès 1939, les infrastructures de plusieurs communes du Vercors sont dédiées à l’accueil de refugiés.
L’organisation de la Résistance commence en 1942 avec la formation d’un groupe de francs-tireurs des groupes de Grenoble et de Villard-de-Lans, proches de la SFIO.
C’est en 1943 que Pierre Dalloz, Alain le Rey et Yves Farge dirigent la formation d’un groupe résistant dans le massif, sous le nom de « Projet Montagnard ». En tirant profit de la morphologie du massif, le groupe met en place des terrains d’atterrissage clandestins, la surveillance des principaux points d’accès et le stockage d’armes de guerre.
En juillet 1944, l’assaut est donné par les troupes allemandes. Le Vercors connût le pire épisode de son histoire avec près d’un millier de morts. Depuis, la mémoire des massacres s’est enracinée dans les esprits. De nombreux mémoriaux existent aujourd’hui et les paysages vercusiens garderont toujours le goût amer de cette période.
Le bleu du Vercors-Sassenage
Le bleu du Vercors est le produit phare du Vercors. Bien que l’AOP n’ait été obtenue qu’en 1998, il fait partie des produits alimentaires gastronomiques ayant participé à forger les représentations sociales paysagères de l’Isère.
Le fromage est hautement représentatif des paysages vercusiens : issu des prairies et des alpages du massif, il représente une activité qui occupe 98% de la surface agricole, même s’il n’est pas le seul produit que le lait du Vercors permet de réaliser (aussi : lait à boire, Saint-Marcellin / Saint-Félicien, Emmental).
Les éleveurs et producteurs de fromage l’ont bien compris : les étiquettes s’appuient fortement sur les paysages, valorisant les montagnes, la plaine, les alpages.