Des paysages dynamiques fortement urbanisés et équipés
Des paysages contrastés entre la plaine rhodanienne orientée nord / sud et les terrasses formant des plaines et plateaux, s’ouvrant à l’est
Un continuum urbain où cohabitent une vaste zone urbaine et des infrastructures de transports, de logistiques, industrielles et commerciales
Un territoire nourricier dominé par la culture du fruit (vergers) et des céréales (openfield)
Des paysages façonnés par des équipements nationaux voir internationaux où l’échelle globale dépasse l’échelle locale
Les paysages de la plaine et des collines du Tricastin, situés sur la rive gauche de la vallée dissymétrique du Rhône, réunissent 3 unités paysagères identifiées dans l’atlas de 2001: la vallée du Rhône, le plateau de Louze et la plaine de Chonas-l’Amballan.
Les dynamiques d’urbanisation des quinze dernières années créent des paysages encore plus reliés entre la vallée urbanisée du Rhône et ses banlieues, les plateaux de Louze et de Chonas l’Amballan, formant des ceintures agricoles.
Le contraste reste frappant entre la plaine céréalière de Chonas-l’Amballan et les vergers du plateau de Louze.
Bien que très contrastés, les paysages de la plaine et les collines du Tricastin forment un ensemble cohérent compris entre l’urbanisation viennoise, les coteaux ardéchois, la plaine de Bièvre et les coteaux de Bonnevaux.
L’ensemble paysager se prolonge hors Isère le long du Rhône, en direction du sud jusqu’à Tournon-sur-Rhône.
«Le regard du visiteur de la vallée du Rhône entre Vienne et Tournon est sans cesse happé par des éléments d’une diversité déconcertante : un camion sur l’autoroute, des vignes sur un coteau, un clocher d’église, une péniche sur le fleuve, un champs de fraises, un supermarché, un pont en pierres, une centrale nucléaire… Richesse ou éclectisme ? Les logiques du global (autoroute, TGV, industries) sont ici confrontées à celles du local (qualité de vie, patrimoine) et semblent s’entrechoquer, se contredire, plutôt que dialoguer. L’avenir dira si tant d’éléments peuvent cohabiter en harmonie.»
Centre Ressources régional des paysages d’Auvergne – Rhône-Alpes – Vallée du Rhône entre Vienne et Tournon – 2017
« Je suis bien chez moi, au milieu des arbres. Chez nous les paysages sont plats et surtout caractérisés par les arbres, il y en a partout, des fruitiers et de plus en plus de noyers. Sur Clonas on voit aussi un peu de céréales. On est des paysans arboriculteurs et avons une exploitation agricole familiale de 24 ha. Le point de départ c’est l’exploitation de mon grand-père qui faisait des travaux agricoles. En 1979, mon père plante les premiers arbres fruitiers. Mon installation date de 2006. A partir de là on crée le GAEC et on développe la production et on construit le laboratoire pour la partie transformation.
«On ne stocke rien. Les fruits sont ramassés à maturité. On vend tout sur les marchés et dans les magasins de vente collective.»
Au début on faisait de la vente en gros mais ça nous faisait mal au cœur de vendre nos beaux gros fruits sucrés aux grands groupes pour faire de la compote. Et nous souhaitions échanger avec les consommateurs en direct, alors on a développé la vente au détail. On ne stocke rien. Les fruits sont ramassés à maturité. On vend tout sur les marchés (St Jean de Bournay et Vienne) et dans les magasins de vente collective dans lesquels nous sommes très impliqués : à Vienne (le Panier Enchanté) et à Annonay (la Main Paysanne). Ces magasins sont vraiment vertueux et positifs. Ils s’inscrivent dans une bonne dynamique : nos produits sont vendus tous les jours, du mardi au dimanche et le principe de la permanence tournante pour la vente nous permet d’être au plus prêt des consommateurs.
Toutes nos parcelles ne sont pas plantées. Nous préservons certains espaces disponibles pour renouveler les plantations et faire les rotations. Nous avons des fraises, des cerises, des petits fruits, des pêches précoces, des abricots, des prunes et des pêches tardives. On récolte jusqu’à novembre.
La partie labo c’est ma mère, mon père est dans les champs et moi je suis principalement à la vente aux marchés et aux magasins. On a des rôles définis mais entre nous et avec les salariés on s’entraide. Et puis nous avons des emplois saisonniers entre 5 et 8 de mai à fin octobre environ pour les récoltes. Vous savez le travail de la terre nous tient à cœur, c’est ce qui compte.
Dans les années 1980, quand mon père a quitté l’usine pour travailler sur l’exploitation, il y avait beaucoup plus de fruitiers. Aujourd’hui nous sommes les derniers arboriculteurs paysans sur Clonas. Après les nombreux départs à la retraite non remplacés et les dizaines d’années de jachère, certains groupes industriels ont racheté et planté les parcelles communales historiquement plantées de fruitiers. A Clonas, ces récentes plantations sont en bio et c’est principalement des noyers. Les paysages ont donc changé en 30 / 40 ans mais on reste dans une ambiance arborée de verger.
«Il y a toujours eu des aléas climatiques mais entre le gel et les grosses chaleur c’est compliqué.»
Ces dernières années les aléas climatiques ont bouleversé nos pratiques et nos paysages. Nos plantations de pêches et d’abricots ne sont pas adaptées aux gels répétitifs. En 2021, c’est descendu à -7C et nous avons eu zéro récolte, zéro fruit. Il y a toujours eu des aléas climatiques mais entre le gel et les grosses chaleur c’est compliqué. Le soleil nous brûle la peau, nous qui sommes tous les jours dehors, on doit revoir notre manière de travailler et changer nos habitudes pour s’adapter. Et je ne vous parle pas de la chaleur épouvantable dans le labo de transformation quand les fours sont en marche. C’est irrespirable !
On a pas de journée type car notre quotidien est vraiment lié aux saisons mais on échange régulièrement avec différents types de personnes. Les consommateurs-clients sont les premiers auxquels je pense. Nos clients sont des habitués. C’est assez révélateur de voir la différence des ventes entre nos deux pôles de vente : à Vienne, c’est la ville, on vend au kg, alors qu’à Annonay, territoire plus rural, on vend au plateau. Ensuite il y a les techniciens-vendeurs des grands magasins agricoles pour l’achat de sucre, d’engrais; les techniciens-conseils pour les plantations et les pépiniéristes.
Notre activité est saisonnière mais aussi notre territoire. On habite sur l’autoroute du soleil, la route des vacances. En plein été c’est compliqué, ça bouchonne en permanence et ça on le ressent dans nos déplacements quotidiens. Mais au mois d’août on sait que nos ventes sont boostées par les clients qui intègrent leur maisons secondaires. On a un fonctionnement étroitement lié à la vallée du Rhône et aux départements voisins. »
«La plaine de Chonas, vaste surface plane, couverte de loess et limons Würmiens, la plaine est vouée aux labours, un habitat disséminé et quelques arbres isolés se détachent sur l’horizon».
«La vallée du Rhône est encaissée entre les coteaux molassiques de l’avant-pays dauphinois et les versants granitiques de l’Ardèche.»
«Le petit plateau de l’Amballan, d’une altitude supérieure à 300 m, domine le Rhône de 150 m et la plaine de Chonas d’une centaine de mètres».
«Le fleuve est peu utilisé pour sa fonction de transport. Quelques gravières en exploitent le lit, mais la surface du Rhône reste étonnamment vide. Des images d’antan, où les ports et les berges concentrent l’activité témoignent d’un profond changement d’usage et de rapport au fleuve en une centaine d’années. Des péniches apparaissent au nord, essentiellement destiné au transport de sable, impossible par la route.»
«Les superlatifs et les métaphores les plus nombreuses et les plus extrêmes ont été utilisées pour qualifier la vallée et son fleuve, le Rhône. Lui est couramment reconnu comme le plus puissant et le plus rapide, voire le plus majestueux de nos grands fleuves. Mais la vallée, elle, ne fait pas l’unanimité».
Centre Ressources régional des paysages d’Auvergne – Rhône-Alpes – Vallée du Rhône entre Vienne et Tournon – 2017
La concordance entre la carte géologique représentant les sols et les paysages actuels visibles, est frappante. Les espaces de basculements paysagers correspondent à des changement de sols.
Le profil dissymétrique de la vallée du Rhône est expliqué par la présence de coteaux granitiques côté Ardèche et de dépôts alluvionnaires récents rive gauche, formant des terrasses et des plateaux.
Les formations de Bonnevaux, composées essentiellement de cailloutis de quartzites et autres roches siliceuses très fortement altérées, et les molasses sablo-gréseuses sont à l’origine des coteaux marqués sur la limite est de l’ensemble paysager.
A l’échelle de l’ensemble, les boisements sont peu importants en terme de surface mais ont un rôle structurants dans la lecture des paysages.
Les boisements soulignent les formes du relief et le réseau hydrographique en créant des linéaires boisés à dominance de feuillus sur les coteaux et les rives des cours d’eau dans les fonds de vallées.
En plus des boisements naturels, les peupleraies, qui colonisent les fonds de vallées, apportent un contraste paysagers notable avec leur trame géométrique régulière et les feuillages vert clairs lumineux.
Les Plaines et Collines du Tricastin sont composées de sols évolués et des fluviosols grâce à la présence du Rhône et de ses affluents. En 2010, les cultures dominantes sont le maïs (22% de la surface agricole), le blé (17%) et les vergers (10%).
« Deuxième plus grand verger de l’Isère après la plaine de Vinay, le plateau oppose un contraste saisissant à la plaine céréalière de Chonas-l’Amballan, de dimensions sensiblement égales et dont il n’est séparé que de quelques centaines de mètres par-dessus le cours méandriforme de la Varèze.»
Les paysages de grandes cultures dominent dans les plaines et plateaux. Les motifs paysagers identifiés ci-contre sont caractéristiques de ces paysages. A l’échelle de l’ensemble paysager le nombre d’exploitations a diminué d’environ 62% de 1988 à 2010. La Surface Agricole Utilisée (SAU) a elle aussi baissé de 17% sur cette même période. Ces évolutions reflètent l’agrandissement des parcelles et l’homogénéisation du paysage agricole. Ce phénomène concerne particulièrement les cultures céréalières et les vergers.
Les vergers occupent une place importante dans les représentations sociales paysagères car ils reflètent l’image nourricière du territoire. Ils se retrouvent finalement très localisés et peu visibles dans les paysages car les parcelles sont discontinues et les routes d’accès sont boisées et sinueuses. Les vergers des collines du Tricastin deviennent presque confidentiels.
Le paysage du continuum urbain est caractérisé par l’omniprésence des infrastructures de transports et le caractère continu des constructions. Ce paysage fonctionnaliste est façonné par le trafic, et la densité des activités qui cohabitent : industries, commerces, services et habitat. La structure urbaine bourg/hameau est aujourd’hui difficile à lire car les coupures d’urbanisation sont rares voire inexistantes. Le paysage souffre d’une forme de banalisation. Les vastes quartiers pavillonnaires et zones d’activités gomment les spécificités paysagères.
« La vallée du Rhône entre Vienne et Tournon est totalement dédiée au transport : autoroute A7, nationales 7 et 86, TGV. De ce fait, elle constitue quasiment un continuum urbain : les villages s’étendent dans la plaine ou sur les coteaux, les services s’installent le long des axes routiers. Il est étonnant ici de voir cohabiter de telles infrastructures de transport avec les résidences, tant les nuisances semblent nombreuses : bruit, pollution, dangers de la route… et pourtant la population y est dense !Cependant, il existe une vie derrière l’autoroute, les usines chimiques et la centrale nucléaire. À quelques pas de ces grandes infrastructures, quelques villages conservent une activité dynamique, les cultures maraîchères et viticoles subsistent, les pentes offrent des paysages forestiers appréciables »
Centre Ressources régional des paysages d’Auvergne – Rhône-Alpes – Vallée du Rhône entre Vienne et Tournon – 2017
«Comme beaucoup de franges de la vallée du Rhône il présente l’aspect décousu des zones d’évolution rapide et mal contrôlée».
Historiquement les centres bourgs se sont installés en pied de coteaux. Aujourd’hui les structures urbaines bourgs-hameaux sont plus dispersées et envahissent les coteaux. Les habitations jouissent de points de vue sur les espaces cultivés aux horizons lointains.
«Les coteaux se trouvent envahis par une urbanisation diffuse généralisée qui ne respecte plus aucune silhouette villageoise : le type-même du mitage, effet induit par la proximité de Vienne et des zones d’emploi de la vallée du Rhône et accentué par la priorité faite, dans la plaine, à l’agriculture industrielle».
Autant dans les espaces de centre villes, que dans les quartiers commerciaux ou résidentiels, les paysages sont organisés et aménagés pour la voiture.
La vallée du Rhône, au profil encaissé et dissimétrique est largement occupée par les infrastructures linéaires de transports. Le paysage de la vallée est souvent associé à l’image du couloir et cette impression est étroitement liée à présence des infrastructures.
La particularité de la vallée est liée à la proximité voire la cohabitaiton entre les espaces habités et toutes les infrastrucutres orientées Nord / Sud. Cette cohabitation créent des paysages de centre ville traversés par l’autoroute, la nationale ou la voie ferrée.
L’effet de couloir est renforcé par la présence d’une route importante et d’une voie ferrée sur chaque rive du Rhône.
«La vallée du Rhône est un grand collecteur où se serrent routes et autoroutes, voies ferrées, caténaires, oléoducs, barrages, écluses et dérivation»…
Gracq – 1995
Situées à l’écart du couloir d’infrastructures de la vallée du Rhône, ici les infrastructures disposent de plus de places et les horizons sont plus lointains pour les usagers de la route.
«Entre Vienne et Chanas la voie ferrée suit le Rhône mais la RN7 et l’autoroute A7 le quittent au droit de Vaugris pour prendre le « raccourci » de la plaine de Chonas et du plateau de Louze».
La lecture des paysages est issue de la conjugaison des thématiques observées dans les chapitres précédents. Mais les paysages sont aussi constitués par le regard que l’on porte sur eux et des images que l’on s’en fait, nourris par un imaginaire social et culturel. On ne pourrait donc pas comprendre leur construction sans tenir compte des fondements culturels qui ont forgé leurs représentations sociales.
Voici quelques faits historiques et culturels locaux qui ont marqué les esprits, ont participé à la représentation sociale des paysages et influencent notre manière de les percevoir.
Une occupation dense à l’époque gallo-romaine, le long de la voie d’Aggripa
Témoignage de l’ancienne occupation romaine dans la commune de Clonas-sur-Varèze, les vestiges d’un site antique gallo-romain du IIe siècle, comprenant un ornement de mosaïque de 67m² représentant le Dieu Océan et un tombeau portant l’inscription ‘“Linicius”, qui conserverait le défunt propriétaire.
L’occupation gallo-romaine a largement façonné les paysages de cet ensemble paysager, traversés par la voie Aggripa. Les vestiges les plus connus sont ceux de Vienne (Ensemble paysager 5.04) mais d’autres vestiges sont encore visibles, et on fait l’objet de projet de valorisation dans les villages du Tricastin, comme à Clonas-sur-Varèze.
Peuple gaulois connu pour sa prospérité et sa richesse au sein de la Gaule à partir du IVe siècle av J.C. Les Allobroges occupaient un vaste territoire stratégique, depuis la vallée du Rhône jusqu’aux Alpes du Nord. Ils contrôlaient les voies d’accès principales aux massifs alpins.
Aujourd’hui en tant que grande région arboricole et maraîchère, le Tricastin, notamment le plateau de Louze s’impose comme le 2e verger du département de l’Isère.
Après la vallée de l’Isère et ses vastes étendues de noyers, les vergers du Tricastin sont connus par les isérois car ils évoquent le soleil, le sud et les fruits sucrés récoltés dans la Drôme et la vallée du Rhône. Historiquement planté d’une variété de fruitiers (pêchers, pommiers, abricotiers, etc.), les vergers du plateau de Louze sont aujourd’hui plantés de grandes parcelles de noyers.
Sur ce territoire, la perception d’un paysage nourricier est ambivalente car la majorité de la production est exportée.
A l’échelle du département, la situation stratégique de la vallée du Rhône (axe de transport européen et proximité d’importants bassins d’emplois et de services) explique le caractère industriel des paysages actuels. De nombreuses usines se sont implantées dans la vallée depuis des dizaines d’années.
La plus importante et emblématique est la centrale nucléaire St Alban – St Maurice, qui a elle seule crée un sentiment d’insécurité et de risque, comme toutes les centrales. Le risque nucléaire est pleinement ancré dans la culture locale et dans les représentations sociales paysagères. Les cheminées de la centrale quand on regarde vers le nord et la densité du quadrillage des lignes à haute tension rappellent quotidiennement ce risque quand on observe les paysages.
Plus grand itinéraire français et européen entre la Méditerranée et la Mer du Nord. De Chasse-sur-Rhône à Sablons, le fleuve et sa vallée forment une frontière.
L’histoire de cette commune est tournée vers le fleuve qui la traverse, et son rôle de frontière ou de porte a marqué les paysages. Il fait office de limite entre les départements du Rhône, de la Loire et de l’Isère. De nombreuses transformations des berges du méandre ont été réalisées depuis la fin du XXe siècle pour pouvoir l’adapter à la venue de plus grands bâteaux
Durant la Seconde Guerre Mondiale, le pont reliant Les Roches-de-Condrieu à la commune de Condrieu fut coupé en deux pour bloquer les déplacements entre ces deux communes. Pour résoudre ce problème, le bac à traille, mode de déplacement privilégié avant la construction du pont, fut réutilisé pour transporter des personnes mais aussi du bétail, des vivres,…