Atlas des paysages
Département de l'isère

Ensemble paysager

7.11

Chartreuse

Les communes de l'ensemble paysager par unité paysagère

Entre-deux-Guiers • La Sure en Chartreuse • Le Sappey-en-Chartreuse • Plateau-des-Petites-Roches • Proveysieux • Saint-Christophe-sur-Guiers • Saint-Ismier • Saint-Joseph-de-Rivière • Saint-Laurent-du-Pont • Saint-Pierre-d’Entremont • Saint-Pierre-de-Chartreuse • Sainte-Marie-du-Mont • Sarcenas
Corenc • Fontanil-Cornillon • Le Sappey-en-Chartreuse • Mont-Saint-Martin • Proveysieux • Quaix-en-Chartreuse • Saint-Egrève • Saint-Martin-le-Vinoux • Sarcenas
La Buisse • La Sure en Chartreuse • Mont-Saint-Martin • Saint-Joseph-de-Rivière • Voreppe
Chapareillan • Plateau-des-Petites-Roches • Sainte-Marie-du-Mont

menU ep

Motifs paysagers structurants

Une forteresse marquée par des contreforts imposants, constitués de versants boisés et de falaises imposantes. Barrières franchissables uniquement au niveau des cols et des gorges.

Un sillon principal Nord-sud concentrant l’urbanisation et l’activité dans le cœur du massif et un réseau de vallées secondaires encaissées, boisées, confidentielles et quasi inhabitées.

Un vaste boisement ponctué de clairières habitées, cultivées et équipées.

Des balcons et zones de piémonts habités, présentant des paysages hybrides entre ruralité et périurbanisation.

Des paysages de quiétude, situés en altitude, composés de sommets rocheux caractéristiques, d’alpages et de haberts.

1. à premières vues

Composantes & Structures paysagères

Les paysages de Chartreuse très connus en Isère, sont caractéristiques des massifs pré-alpins de moyenne montagne.

Le caractère confidentiel et intime des paysages chartrousins s’explique par le relief, la dominance du boisement et la qualité des clairières. Les sommets rocheux de formes carrées, émergent de la vaste étendue boisée et forment des silhouettes qui veillent sur l’ensemble du territoire et constituent de fameux repères.

Le couvert forestier représente 80% de l’ensemble paysager et constitue une image de marque forte du territoire notamment à travers le label ‘Forêt d’Exception’ et l’AOC ‘Bois de Chartreuse’. Ainsi, la rareté des espaces ouverts les rend singuliers et remarquables.

La composante géologique du massif est une originalité à retenir. Le relief karstique explique la formation de nombreuses cavités et gorges.

Sur le plan patrimonial, les paysages chartrousins sont empreints de l’activité des moines Chartreux qui ont dotés le massif de la Chartreuse d’un patrimoine bâti religieux, industriels et techniques d’exception.

Une ambiance rurale et montagnarde caractérise les paysages de la partie centrale du massif. Des effets de périurbanisation sont cependant présents au sud-ouest du massif. Ces périphéries, en situation de balcons ont été intégrées au territoire métropolitain dans la partie sud.

2. Regard d'acteur

« En Chartreuse il existe une réelle culture de la forêt et avec l’AOC on montre que c’est dynamique et absolument pas figé. »
Jeanne-Véronique Davesne

Coordonnatrice du Comité Interprofessionnel des Bois de Chartreuse (CIBC), habitante de Bernin

Mon histoire a commencé en Chartreuse et se poursuit ici, à cheval entre la vallée du Grésivaudan et le massif. Je suis vraiment attachée à ce territoire. J’ai appris à skier au col de Porte et j’habite aujourd’hui à Bernin.

En Chartreuse il existe une réelle culture de la forêt et avec l’AOC on montre que c’est dynamique et absolument pas figé. Mais aujourd’hui la forêt est fragilisée par le changement climatique et par la fréquentation croissante des urbains. 60 000 personnes habitent en Chartreuse et plus d’un million autour du massif.

Le Comité interprofessionnel des Bois de Chartreuse est une association qui a pour objectif la promotion de l’AOC Bois de Chartreuse en passant par la valorisation de la filière et le maintien des emplois locaux pour maintenir la qualité des paysages.

Le Bois de Chartreuse est un produit typique, à forte notoriété, issu de facteurs naturels qui permettent la bonne croissance des sapins et des épicéas et de facteurs humains, c’est-à-dire les savoirs-faire. Nous travaillons autant auprès des propriétaires forestiers, des exploitants, des gestionnaires privés et ONF, des scieurs, des charpentiers, des architectes et des collectivités.

L’AOC Bois de Chartreuse est un outil pour maintenir la qualité des savoirs-faire et l’activité de chaque professionnel de la filière. Et c’est aussi un outil qui met en valeur ce patrimoine et qui permet d’expliquer ce patrimoine aux randonneurs qui montent en Chartreuse. Il est nécessaire et impératif de transmettre et expliquer ce qu’est la bonne gestion de la forêt à tous.

Dans l’AOC, c’est la gestion en futaie irrégulière des forêts qui est exigée, un couvert forestier constant, une récolte des bois tous les 8 à 10 ans d’une petite partie des arbres. Il faut gérer la forêt pour lutter contre les risques mais aussi pour permettre la construction de maisons. Cette forêt nous rend des services, elle protège des chutes de pierres et des avalanches, elle participe à la qualité de l’eau, à la beauté des paysages, elle accueille les randonneurs. Parfois les randonneurs ne sont pas contents quand il y a une coupe, ils ne comprennent pas pourquoi le sentier est coupé ou que les chemins ne sont pas accessibles en voiture. Il faut savoir que la forêt appartient toujours à quelqu’un: l’Etat, les communes ou des personnes privées.

Dans l’association, notre premier rôle est le contrôle. Vérifier que les pratiques des producteurs sont conformes aux bonnes pratiques identifiées dans le cahier des charges de l’AOC. Dans une journée type, je peux par exemple être amenée à contrôler une forêt à Entremont, c’est-à-dire marcher dans la forêt et vérifier les arbres martelés, vendus sur pied, puis avoir une rencontre avec un exploitant au Col de Porte et enfin me rendre à la scierie d’Entre-Deux-Guiers pour déposer des éléments de communication et rencontrer les acteurs amont de la filière.

Là où j’habite, j’ai envie de nature. Avant il y avait un verger. Aujourd’hui je suis entourée par des trottoirs et des lampadaires. Le matin je quitte mon domicile avec enthousiasme pour me rendre dans le massif de la Chartreuse. Tous les jours, , en me rendant au bureau à Saint-Pierre-de-Chartreuse, je vois les arbres. Je les connais, je les vois grandir. A Sarcenas, c’est juste fabuleux, un exemple de paysages de montagne réussi, ou au Habert du Col de Porte, les récents aménagements sont suffisants, c’est très bien. Il faut éviter la surenchère.

3. Composantes paysagères

3.1 - Un relief Chahuté et incisé par de nombreux cours d’eau

Caractéristiques
RELIEF & HYDROGRAPHIE

  • Un massif de moyenne montagne, bordé par des barrières rocheuses imposantes
  • Un sillon nord / sud et un réseau de vallées encaissées
  • Une géologie remarquable qui explique la présence de nombreuses galeries souterraines et de sommets caractéristiques (les synclinaux perchés)
  • Des cours d’eau torrentiels structurants qui ont érodés de profondes gorges et se répartissent en deux bassins versants

Une forteresse protégeant des vallées intimes et confidentielles

La Chartreuse est un massif préalpin appartenant à la chaîne subalpine tout comme le Vercors et les Bauges (Savoie). Ces reliefs de moyenne montagne assurent la transition entre l’avant pays du Bas Dauphiné à l’Ouest et la chaîne cristalline de Belledonne à l’est. A proximité du col de la Placette, les chaînons jurassiens du plateau du Grand Ratz bordent l’ensemble paysager où le relief s’adoucit.
Le territoire présente une altitude qui varie entre 400 et 2080m avec comme point culminant le sommet de Chamechaude : 2082m.

L’image de la forteresse est liée aux contreforts qui bordent le massif. Les versants extérieurs du massif forment des barres rocheuses imposantes délimitant très nettement ce territoire. Le Plateau des Petites Roches se détache du massif de la Chartreuse et forme un balcon sur le Grésivaudan.

A l’intérieur, le réseau hydrographique est divisé en deux bassins versants et forme un sillon principal orienté Nord / Sud et des vallées secondaires encaissées, orientées est / ouest. Les cours d’eau sur les périphéries du massif rejoignent l’Isère, au sud. Les rivières situées au cœur de la Chartreuse rejoignent le Guiers puis le Rhône au nord. L’eau est présente sous la forme de cours d’eau torrentiels et dans les profondeurs où des aquifères karstiques dessinent des galeries de plus de 300km.

Des éléments paysagers spécifiques

La Chartreuse est caractérisée par la succession d’anticlinaux et de synclinaux orientés principalement sur un axe nord-ouest / sud-est. Les barres rocheuses sommitales structurent et délimitent le massif. Dans le sens des plissements, la traversée du massif est aisée grâce à de nombreux cols.

Au quaternaire, les glaciers présents en Chartreuse et dans les vallées voisines ont sculpté le relief notamment en créant les cirques et formé des dépôts morainiques et des éboulis calcaires. Les crêts et les affleurements calcaires forment une barrière rocheuse sur les pourtours du massif, excepté le plateau des Petites-Roches qui est tourné vers la vallée du Grésivaudan.

Son relief est dit «inversé» car les formes initialement en dépression (ou synclinaux) se trouvent être au sommet des montagnes de la Chartreuse (synclinaux perchés / volets synclinaux perchés) et les bombements des anticlinaux à l’origine constituent aujourd’hui les vallées / combes du massif.

Des buttes témoins comme celle de Chamechaude sont caractéristiques également de la Chartreuse. Il s’agit d’un crêt isolé par l’érosion et entouré par des affleurements des niveaux inférieurs.

Les gorges et les défilés au nord-ouest du massif forment des incisions perpendiculaires et des accès dans cette forteresse. Les gorges du Giers (Mort et Vif) comprennent une succession de plusieurs cluses créées par le creusement d’une rivière au sein d’un mont et reliant ainsi des vals.

Cet ensemble paysager est sillonné de cours d’eau et de torrents puissants (les Guiers, la Vence, le Tenaisson…). Son socle calcaire ne permet pas la présence d’étendues d’eau excepté quelques zones humides, marais et tourbières. L’eau n’est pas toujours visible en surface car elle s’infiltre notamment par des fissures qu’elle élargit peu à peu (lapiaz), circule dans les profondeurs du sol (gouffres) et surgit de manière ponctuelle sous forme de cascades et de résurgences.

La formation du socle géographique de la Chartreuse

1. Les dépôts sédimentaires marins

Entièrement constitué de roches sédimentaires, le sol de la Chartreuse s’est formé lorsque le territoire était recouvert d’un océan, durant l’ère secondaire. L’alternance des couches calcaires et des marnes a ainsi été formée par sédimentation marine au fond des océans.

2. Les plissements des couches sédimentaires

À la fin de l’ère secondaire, l’océan se referme progressivement. Durant l’ère tertiaire, la collision des plaques liée à la tectonique fait émerger les massifs cristallins alpins, comme la chaîne de Belledonne, formés en profondeur de la terre. L’élévation de ces massifs va ainsi créer des plissements dans les reliefs préalpins et chahuter les formations géologiques de la Chartreuse. Les plis présentent une succession d’anticlinaux et de synclinaux. Lors du plissement, les couches affleurantes des anticlinaux sous tension se fracturent et se fragilisent.

3. La formation du relief inversé et des dépôts glaciaires

En Chartreuse, lors de l’érosion*, les couches affleurantes de calcaire aux sommets des anticlinaux ont été dissoutes par l’infiltration des eaux de pluie. Ainsi, les synclinaux ayant subi moins d’érosion et de phénomènes tectoniques, ont été préservés et constituent aujourd’hui les sommets du massif.

Au quaternaire, les périodes de grand froid forment des glaciers ceinturant le massif de la Chartreuse et sculptant ainsi ces pourtours.

Le retrait des glaces et la formation des cours d’eau laissent apparaître en surface des dépôts morainiques et des alluvions fluvio-glaciaires, sur les couches sédimentaires plus anciennes notamment sur le plateau des Petites Roches et à proximité du Grand Ratz.

* l’érosion constitue l’ensemble des actions qui détruisent les reliefs.

3.2 - Un massif forestier dense et des espaces ouverts

Caractéristiques
VÉGÉTATION

  • Vaste couvert boisé ponctué de clairières habitées, cultivées, pâturées et équipées
  • Les résineux sur les hauteurs et les versants abrupts (pessières d’altitude (forêt naturelle peuplée d’épicéas) et sapinière)
  • Boisements mixtes sur les versants (hêtraie sapinière). Feuillus dans les fonds de vallées (zones humides) et les clairières (haies)
  • La forêt permet une activité économique dynamique et diversifiée entre tourisme et exploitation de la ressource en bois (AOC Bois de Chartreuse)

Un vaste couvert boisé ponctué de clairières habitées et dominé par les alpages

Le caractère intime et confidentiel des paysages de Chartreuse est principalement lié à l’importance des boisements, composante essentielle des paysages chartrousins, qui créent des paysages plutôt fermés et isolés.

Les espaces ouverts, clairières habitées et alpages, constituent un attrait supplémentaire dans la découverte des paysages. Les espaces ouverts sont liés au développement de l’habitat (fermes, hameaux, villages) et à l’exploitation agricole pour le pâturage ou la culture de fruits et de légumes (vergers et maraîchage). Les trouées dans l’espace forestier peuvent aussi être liées à l’équipement des domaines skiables, aux sentiers de randonnée et aux chemins d’exploitation forestière. Dans ce cas les espaces ouverts présentent des aspects plus géométriques.

Un patrimoine forestier diversifié, remarquable, protégé et géré

L’humidité constante, la nature et l’intensité des boisements créent une ambiance sombre et brumeuse sur les versants abrupts et les vallées encaissées de Chartreuse.
La dominance des résineux (épicéas, sapins et pins) explique cette ambiance bien spécifique.
Les boisements mixtes composés de hêtraie-sapinière présentent un intérêt particulier pour la diversité paysagère (sous-bois plus lumineux) et environnemental (diversité des espèces et meilleure tenue face au dérèglement climatique*).

La présence d’arbres isolés, de haies et de vergers créent des repères et participent au dessin des clairières habitées et cultivées.

Les différentes zones humides situées autour des marais et à proximité des cours d’eau constituent des paysages boisés offrant également un intérêt paysager et environnemental.
Bien que les milieux ouverts du massif soient les plus riches en biodiversité, les milieux forestiers de Chartreuse constituent eux aussi des milieux naturels remarquables.

Au total, plus de 72 % du territoire est couvert par des zones de protection ou d’inventaire, référencées dans le SRADDET.

Les politiques de gestion établies dans les forêts publiques (domaniales ou communales) développant une gestion de futaie irrégulière, permettent aux forêts d’accueillir toutes les strates arborées, arbustives et herbacées. Ce mode de gestion assure une richesse floristique et faunistique.

D’abord utilisée par les Chartreux, l’AOC Bois de Chartreuse est choisie au XVIIème siècle par la Marine Royale pour les mâts de ses bateaux. Depuis l’époque de Louis XIV, des relations commerciales fortes se sont développées avec la vente de bois ronds et de sciages entre la Chartreuse, le massif des Alpes et le Sud de la France.»
L’Institut National de l’Origine et de la qualité (INAO). Source: https://www.inao.gouv.fr/Archives-des-actualites-de-l-INAO/Le-Bois-de-Chartreuse-obtient-l-AOC

* Les boisements mixtes, présentant différentes variétés d’arbres, ont des besoins et des exigences variés qui les rendent plus adaptables aux changements climatiques. En revanche, les forêts monospécifiques ou les monocultures sont très vulnérables aux changements, qu’il s’agisse du climat, de l’arrivée de parasites ou de maladies, etc.

Un massif forestier multifonctionnel situé en contexte périurbain

Avec le taux de boisement le plus élevé des massifs isérois et des conditions favorables à une bonne productivité forestière, la Chartreuse accueille une activité sylvicole historique. La filière rencontre cependant des difficultés d’exploitation liées au morcellement du foncier privé et à la topographie encaissée rendant l’exploitation difficile.
La filière bois de Chartreuse valorise traditionnellement le sapin et l’épicéa en bois massif de construction. Le feuillu (notamment le hêtre), jusqu’alors peu exploité, est de plus en plus valorisé sous forme de bois-énergie pour le territoire et les importants bassins de consommation de proximité.

En Chartreuse, la forêt soulève des attentes sociétales multiples qui demandent de concilier usages économiques, récréatifs et enjeux spécifiques tels que la protection des captages d’eau, l’utilisation des chemins exploitation / randonnée / VTT. Cette « périurbanisation » de la forêt modifie son fonctionnement et nécessite une meilleure connaissance de l’ensemble des acteurs pratiquant la forêt pour éviter les conflits d’usage. Le label Forêt d’exception obtenu en 2015 a permis d’engager de nombreuses actions avec l’ONF dans ce sens.

Pour aller plus loin : www.onf.fr/foret-exception

La Chartreuse « C’est le royaume de la forêt. […] Elle n’y laisse qu’une place infime aux seuls espaces ouverts des étroits alpages d’altitude, sous les plus hautes crêtes ».
« Si la vue est frappée par ‘l’ombre verte’, les jeux de la lumière, la verticalité des troncs, les autres sens sont également très sollicités : l’olfaction (odeur des antibiotiques émis dans l’humus par les champignons), l’audition (craquements, chants d’oiseaux…), le toucher (sol moussu, dureté des troncs…) ». – Cemagref, 1977

« L’attrait paysager de la forêt repose aussi sur des motivations esthétiques figuratives profondes.
Elles sont ambivalentes et varient en fonction de l’exposition, de l’étendue, et sans doute surtout de la densité relative du couvert, « fermé », « semi-fermé» ou « ouvert ».
Tel est le sens impressionnant du Vallon du Monastère au Désert de la Grande Chartreuse. La forêt y est le motif par excellence par rapport auquel tous les autres semblent s’organiser : les grands sommets, les alpages d’altitude et les gorges profondément encaissées ».

3.3 - des Paysages façonnés par le pastoralisme

Caractéristiques
AGRICULTURE

  • De rares et précieux espaces ouverts à travers les paysages de prairies
  • Des espaces pâturés concentrés dans les clairières autour des villages, sur les replats des versants boisés et en alpage
  • Paysages de prairies, d’alpage, champs et falaises parsemés de fleurs sauvages sont les trois types de paysages représentatifs des produits agricoles de Chartreuse (fromages, viandes, miel et liqueur)

De rares et précieux espaces ouverts pâturés

En Chartreuse, les espaces ouverts, rares et précieux constituent de réelles pépites lumineuses, au milieu du vaste et sombre couvert boisé.

Les prairies se situent autour des villages dans le sillon qui traverse le coeur du massif, sur les replats et en altitude autour des sommets.

Ressenties comme des aérations dans le massif, les clairières sont les lieux où se développent les activités agricoles, ici principalement :

  • les prairies pâturées permanentes : parcelles de culture où l’herbe est prédominante (ressources fourragères ligneuses absentes ou peu présentes).
  • les alpages : surfaces pastorales d’altitude où l’herbe est prédominante et complétée par les ressources fourragères ligneuses présentes et exploitées durant l’été.

Les prairies couvrent 52% de la surface agricole de la Chartreuse, suivies par les estives et landes qui représentent 47% de la surface agricole. La Chartreuse est un territoire de montagne caractérisé par l’élevage, rendant les paysages évolutifs au cours des saisons (présence des bêtes dans les prairies, hauteur de l’herbe, etc.) et qui préserve les paysages ouverts.

L’héritage des moines Chartreux a permis d’installer une culture du pastoralisme en Chartreuse à travers le développement des cheptels et des haberts.

Le nom ‘Chartreuse’ vient de Calma Trossa, la «prairie troussée», c’est-à-dire une prairie labourée ou défrichée.

« L’alpage de l’Emmeindras (Le Sappey-en-Chartreuse), encadrent les motifs de l’espace habité, dont les prairies, parfois encadrées de lignes fines plantées d’arbres, convergent, comme les routes et les chemins, vers le village ».

« Les pâturages, tant en altitude que dans les quelques clairières ouvertes autour de leurs haberts représentent peu de chose, même si elles permettent de reprendre son souffle. Les cultures sont absentes au coeur du massif ».

Des cultures, parcelles maraîchères et vergers à proximité des villages

Quelques cultures de céréales et un maraîchage sporadique occupent les clairières au niveau de la lisère forestière et à proximité des habitations et des principaux axes de circulation :

  • Les cultures sont principalement du maïs ensilage
  • Le maraîchage comprend la culture des légumes et fruits annuels

Ces cultures sont visibles sur les versants des communes situées sur les piémonts et balcons du massif : la-Sure-en-Chartreuse, Quaix-en-Chartreuse et Le Sappey-en-Chartreuse.

La topographie encaissée rendant l’accès difficile et la typologie du sol karstique peu épais expliquent en premier lieu la rareté des paysages de cultures.

Le paysage dans l’assiette

L’image du ‘paysage dans l’assiette’ évoque les paysages qu’on s’imagine quand on consomme certains produits alimentaires issus de l’agriculture. Le maintien d’un motif paysager, ici les espaces pâturés, lié à une pratique agricole est expliqué par le dynamisme agricole autour d’une production.

En Chartreuse, mis à part le bois qui représente la plus grande production du territoire, le lait, le fromage et la viande sont les productions locales les plus connues et dynamiques. Elles produisent les paysages de prairies dans les clairières et les paysages d’alpages :

  • les fromages de chèvres et de vaches : le Chartreux, le Granier, le Délice
  • les viandes et charcuteries : veaux, vaches, cochons et escargots
  • les miels de fleurs de prairies

Cinq labels IGP associés à des fromages permettent de valoriser l’élevage bovin pour le lait et les prairies qu’elles imposent dans leur cahier des charges.

En Chartreuse la liqueur, distillée par les moines Chartreux à partir de 130 plantes sauvages locales est le produit phare, connue à l’échelle internationale. Les moines ont beaucoup apporté pour la découverte, la reconnaissance et la gestion de la flore sauvage et naturelle de montagne.

 

3.4 - Les constructions du Coeur de chartreuse et des balcons

Caractéristiques
BÂTI

  • Une urbanisation adaptée au relief et concentrée sur les balcons et piémonts et dans le coeur du massif
  • Un riche patrimoine bâti hérité des moines chartreux depuis le Moyen-Âge
  • Des paysages façonnés par des constructions plus récentes (50 dernières années), présentant une architecture résidentielle et touristique

Un bâti implanté par rapport au relief

Le bâti est concentré et réparti entre le coeur de la Chartreuse et les balcons et piémonts. Le cœur habité, concentre l’essentiel des constructions autour de la RD512. La vallée est rythmée par les bourgs de Saint-Pierre-d’Entremont, Saint-Pierre-de-Chartreuse, Saint-Hugues, Le Sappey-en-Chartreuse et leurs hameaux respectifs. Les bourgs sont regroupés densément, tandis que les hameaux se développent de manière plus diffuse.

Caractéristiques de l’implantation des regroupements urbains
  • Structures en bourgs et hameaux,
  • Bourgs à proximité des cours d’eau, en hauteur pour ne pas subir les inondations,
  • Bourgs et hameaux à mi-hauteur des versants pour disposer de l’eau en fond de vallée, d’espaces pour les cultures et l’élevage sur les replats et du bois sur le haut des versants.

Les balcons et piémonts connaissent un fort développement, concentrant le bâti en périphérie de l’ensemble paysager, principalement à chaque entrée dans le massif.

Formes des regroupements urbains
  • Noyaux historiques des bourgs denses, bâti en limite de parcelle, voire occupant toute la parcelle,
  • Extensions plus récentes, aérées, maisons isolées au cœur de la parcelle, sans mur mitoyen.

« Les qualités spectaculaires du site [Chartreuse], jointes à la proximité de Grenoble, expliquent suffisamment le succès dont il jouit. Ce succès est lisible dans la façon dont les abords des axes de circulation se sont progressivement vus occupés par des constructions ».

« Sur Quaix-en-Chartreuse et Proveysieux, la dynamique d’éparpillement du bâti est doublée de celle de l’urbanisation en doigt de gant, surtout celles qui relient les villages, en l’occurrence les RD 57 et 105 ».

Le patrimoine architectural cartusien

En dehors du coeur de la Chartreuse habité et des balcons et piémonts, les seules constructions sont des couvents, monastère, des sites industriels et des fermes isolées en altitude.Le territoire situé dans la partie nord ouest de l’ensemble, autour de la vallée du Guiers mort et ddu Vallon du Monastère est communément appelé la Chartreuse monastique.

L’installation et la vie des Pères Chartreux dans le massif explique la densité et la qualité de constructions patrimoniales, religieuses, agricoles et industrielles, dont plusieurs sont protégées au titre de monuments historiques. Ayant fait vœux de silence, la présence encore actuelle des moines dans le monastère participe à l’ambiance intimiste et confidentielle de cette partie du territoire. Les chartreux sont souvent appelés les «moines ermites».

Le style chartreux influence aussi l’architecture des maisons d’habitations, présentes plus largement dans l’ensemble du territoire du PNR de Chartreuse.

Caractéristiques architecturales du patrimoine cartusien
  • Soin apporté au paysage, lien avec le paysage : les lieux choisis sont reculés, isolés, «propices à la méditation et à la prière».
  • Simplicité et la sobriété propres à l’ordre
  • Volumes : bâti dissocié, base carrée ou rectangle, faîtage perpendiculaire à la courbe de niveau, toitures très pentues et à 4 ou 2 pans.
  • Matériaux : murs de clôture et murs des maisons en maçonnerie de pierres protégée par un enduit. Pierre taillée sur linteaux, encadrements de baies et chaînes d’angle.

Des constructions en transition / reconversion

Territoire de moyenne montagne situé à proximité des grandes vallées et agglomérations de Grenoble, Voiron, et Chambéry, la Chartreuse est attractive et les paysages sont façonnés par:

L’habitat

Le bâti résidentiel présente une certaine harmonie par la cohérence globale des volumes et pentes de toitures. Le bâti résidentiel s’est développé et les typologies architecturales se sont diversifiées. La charte du PNR de Chartreuse encourage la qualité des projets architecturaux.

Caractéristiques du bâti résidentiel récent
  • Chalets bois
  • Maisons avec enduit ciment, parfois parements bois, et diversité des matériaux de couverture

 

Les stations

Le massif de Chartreuse dispose d’un nombre relativement important de stations de ski, par rapport à sa superficie. On compte 6 stations- villages, familiales. Les stations sont de petites taille, à destination des familles et des groupes. La pratique du ski alpin et ski nordique a façonné les visages de certains villages et explique la présence de constructions spécifiques dans les paysages :

Caractéristiques du bâti lié à la pratique du ski
  • Bâtiments collectifs
  • Hangars techniques
  • Commerces liés au ski (location / vente matériel)

Certaines constructions sont intégrées aux villages ou situées à proximité du domaine skiable. D’autres constructions sont implantées ex-nihilo et forment un ensemble bâti à l’extérieur des villages et hameaux. Des stations villages construites pour la pratique des sports d’hiver dans les années 1970 et engagées depuis une dizaine d’années pour une transition vers le tourisme 4 saisons afin d’occuper les bâtiments toute l’année et de diversifier les activités en Chartreuse.

3.5 - Des équipements de montagne pour un territoire attractif et engagé

Caractéristiques
ÉQUIPEMENTS

  • Le réseau viaire est peu dense et hiérarchisé avec un réseau principal desservant le sillon chartrousien orienté nord / sud et un réseau secondaire constitué de petites routes sinueuses, escarpées et équipées de dispositifs contre l’éboulement.
  • Territoire de moyenne montagne largement équipé pour les pratiques sportives : randonnées, ski alpin et nordique, escalade, via-ferrata, etc.

La Chartreuse est un territoire de moyenne montagne façonné par une grande variété d’équipements permettant de circuler, habiter et vivre sur le territoire. Ces équipements dont les premiers remontent à l’époque des moines Chartreux sont aujourd’hui encore développés et entretenus.

 

La D512 et les routes sinueuses

Un axe principal N/S, la D512 suit le sillon de la haute vallée structurante du massif (St Pierre d’Entremont >Grenoble). Les routes secondaires, développées dans les périphéries du massif, permettent de relier les nombreux hameaux et villages par des routes sinueuses et escarpées.
Les nombreux GR du massif suivent aussi cet axe principal N/S, notamment le fameux GRP Tour de Chartreuse. Cet équipement permet de traverser le massif de la Chartreuse à pied en découvrant la grande variété des paysages.

 

Des dispositifs contre les risques naturels nombreux et variés

La majorité du territoire est couverte par des Plans de Prévention des Risques Naturels : mouvements de terrain (glissements, éboulements, boues), inondation, incendie de forêts, et avalanches. Ces risques sont largement influencés par le dérèglement climatique. En plus des dispositifs relatifs à chaque risque, le maintien et la gestion de la forêt en Chartreuse constituent la clé fondamentale dans la lutte contre les risques naturels.

 

Les équipements liés à la pratique sportive 4 saisons

Les stations de ski, peu nombreuses et de petites tailles sont relativement bien intégrées dans le paysage. Elles sont aujourd’hui en voie de démantèlement et / ou de diversification.

Les aléas climatiques répétés poussent les stations à s’engager vers une diversification touristique pour développer un tourisme 4 saisons tourné vers les sports de nature. Une diversité d’équipements liée à la pratique des sports estivaux s‘ajoutent aux complexes des remontées mécaniques : accrobranche, parapente, skiroue, vol libre, escalade, randonnées, etc.

3.6 - PAYSAGES INSTITUTIONNALISÉS, RECONNUS ET PROTÉGÉS

3.7 - REPRÉSENTATIONS SOCIALES PAYSAGÈRES

La lecture des paysages  est issue de la conjugaison des thématiques observées dans les chapitres précédents. Mais les paysages sont aussi constitués par le regard que l’on porte sur eux et des images que l’on s’en fait, nourris par un imaginaire social et culturel. On ne pourrait donc pas comprendre leur construction sans tenir compte des fondements culturels qui ont forgé leurs représentations sociales.

Voici quelques faits historiques et culturels locaux qui ont marqué les esprits, ont participé à la représentation sociale des paysages et influencent notre manière de les percevoir.

Retrouvez les thématiques de ces quelques faits, contribuant également aux représentations sociales paysagères du département de l’Isère dans le « Portrait du département ».

Les Paysages de Montagnes

L’école de Proveyzieux, en Chartreuse, par Théodore Ravanat et Jean Achard

Ce n’est qu’à partir du XVIIIème siècle que l’on peut légitimement évoquer un enracinement de l’art pictural en Dauphiné, avec la création précoce d’une école de peinture et d’un musée à Grenoble. Et c’est tout au long du siècle suivant que se développera une vraie tradition, à travers laquelle tous les genres dont la peinture de montagne, bien évidemment – seront représentés.

Auparavant, la montagne n’était que peu l’objet de la peinture en raison de la peur qu’elle suscitait. Mais à partir des années 1780-1790, les peintres se sont emparés de la montagne et ont découvert un sujet de peinture qui s’est imposé largement.

Jean Achard – Vue de Saint-Égrève, 1844, Musée de Grenoble

Le Monastère de la Grande Chartreuse, Ernest Victor Hareux, XIXe siècle. Source : www.gslr-antiques.com

Un patrimoine bâti remarquable

Le pays des hameaux

« Dans les larges clairières de Chartreuse où ils sont installés, les villages s’émiettent en hameaux » écrivait Jules Blache, géographe grenoblois, dans sa thèse.

Il prenait en exemple la commune de Saint-Pierre-de-Chartreuse où 1 289 habitants se répartissaient alors dans 28 hameaux. Le plus gros village était à cette époque Saint-Pierre-d’Entremont-Isère. Jules Blache ne fournit pas vraiment d’explication à cette particularité, car “un instinct purement rural” lui paraît avoir seul guidé le peuplement dans la dissociation et l’y avoir maintenu au cours des siècles.

Le pays du bâti dissocié

En 1931, Jules Blache analysait le bâti traditionnel de Chartreuse. Pour lui, le massif ne connaît pas la “maison élémentaire”, exception faite de sa périphérie. L’homme et le bétail n’habitent jamais sous le même toit (couvert en général de chaume ou d’“essendoles”). Les granges (avec leurs toits à 2 pans) s’éloignent systématiquement des maisons d’habitation (avec leurs toits à 4 pans). Sur le cadastre dit “sarde” d’Entremont, en 1732, on compte près de 140 granges pour 15 maisons, 12 greniers et 6 fours. L’émiettement de l’habitat se superpose à celui du village.

Le Charmant-Som, de la route de Saint-Pierre-de-Chartreuse, attribué à Henri Ferrand, 1884

La Culture du risque

L’écroulement du Mont Granier

Bien que situé dans le Département de la Savoie, le sommet du Granier représente le massif de la Chartreuse, au -delà des frontières départementales. Son écroulement, en 1248 a marqué et marque encore les esprits. Les écroulements à répétition de certains sommets du massif sont ancrés dans l’imaginaire collectif et expliquent une culture du risque prégnante sur cet ensemble paysager.

La gravure sur bois montrant la catastrophe du Granier en encart d’un texte du célèbre “Liber Chronicarum” 1493 par Hartman Schedel, la carte “Vera et accurata descriptio situationis Magnae Cartusiae” réalisée par le graveur Léonard Gaultier en 1630, aussi bien que la “Description de la Grande Chartreuse” dessinée par Herman Weyen (1638-1669) ou encore la “Carte du désert de la Grande Chartreuse” gravée par Bouchet en 1694, constituent de très précieux témoignages pour la connaissance historique des paysages du massif.

Vera et accurata descriptio situationis Magnae Cartusiae, par Léonard Gaultier, 1630

Un territoire Ressource

Les Carrières de Pierres Meulières

Plusieurs carrières, appelées meulières, étaient présentes en Chartreuse pour extraire une pierre aux propriétés particulièrement adaptées pour la taille de meules.

Des meules sont encore visibles dans la nature, le long d’un chemin aménagé «Le sentier de la meulière des Dauphins». Les paysages observés sont les témoins d’une activité industrielle très dynamique entre le Moyen-Age et le XVIe siècle.

Ces meules, installées dans les moulins, servaient à moudre le grain et produire du gruau ou de la farine. Les productions approvisionnaient les habitants du massif mais étaient également expédiées dans la région.

Illustration des pierres meulières. Source: ©Thibaud Guyon - Médiéval. Lyon

Le bois et l’eau comme ressources naturelles

Le massif de la Chartreuse a été sans doute dans les temps anciens entièrement couvert par la forêt. Les activités humaines s’y sont développées à partir d’un manteau forestier compact et homogène. Bien sûr, on y a de tous temps exploité le bois : mâture pour la marine Royale sous Napoléon, charbonnage pour alimenter les forges, les hauts-fourneaux, les tuileries… Cette activité a entraîné au XVIIIe siècle une surexploitation de la forêt.

La présence de cours d’eau puissants dans le massif explique l’implantation des hommes et leurs activités. De nombreuses tourneries étaient en activité à la fin du XIXe siècle à proximité des torrents pour utiliser l’eau comme énergie hydraulique. Dans les ateliers de la tournerie de bois de Saint-Même, étaient fabriqués les étuis en bois contenant l’élixir de Chartreuse.

 

Arbres et forêts d’Arcabas. Source : www.isere.fr

L’élixir de Grande Chartreuse

La liqueur de Chartreuse est l’emblème des productions locales car sa notoriété dépasse largement les frontières du Département. Production pour laquelle le savoir-faire est issu de la connaissance de la flore sauvage et du savoir-faire industriel autour de la distillerie. La composition de la liqueur est tenue secrète depuis plus d’un millénaire.

4. UNITés paysagères

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Corenc • Fontanil-Cornillon • Le Sappey-en-Chartreuse • Mont-Saint-Martin • Proveysieux • Quaix-en-Chartreuse • Saint-Egrève • Saint-Martin-le-Vinoux • Sarcenas
La Buisse • La Sure en Chartreuse • Mont-Saint-Martin • Saint-Joseph-de-Rivière • Voreppe
Chapareillan • Plateau-des-Petites-Roches • Sainte-Marie-du-Mont
Unités paysagères – 7.11